Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 109.djvu/110

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
104
REVUE DES DEUX MONDES.


gines par trop prétentieuses. C’est déjà bien assez de redire à la suite de Tite-Live que, sous le règne de Tarquin, les Gaulois Bituriges étaient prépondérans dans la Gaule celtique, et lui imposaient ses rois. L’un de ces monarques, Amigat, dominait précisément sur la Gaule, lorsque Tarquin était roi de Rome. Ce qui paraît hors de doute, c’est que la ville de Bourges, appelée Avarich par les Gaulois, Avaricum par César et l’historien Tite-Live déjà nommé, fut fondée avant qu’il ne fût question dans le monde de la Grèce et de l’empire romain. C’est déjà très beau.

Tellement peuplée était la Gaule celtique, qu’Amigat envoya deux enfans de sa sœur, Sitçovôse et Bellovèse, fonder au loin des colonies. Au dire de Plutarque, le premier conquit la Bohême, la Bavière, l’Autriche et la Souabe. Ce qu’il y a de consolant pour notre Gaule, c’est que ce seraient les descendans de ces émigrans qui, sous le nom de Francs, vinrent chasser les Ostrogoths, alors maîtres du pays dont ces mêmes Francs tiraient leur origine. Quant à Bellovèse, il franchit les cimes neigeuses des Alpes, conquit la Ligurie, bâtit les villes de Milan, Bologne et Brescia, et s’illustra par les exploits dont Tite-Live a laissé le récit. Jules-César, en s’emparant longtemps après de la Gaule, ne fit qu’user de représailles et venger Rome du sac qu’en firent nos ancêtres. Rien ne change, l’histoire se répète.

De toutes les colonies que fondèrent les Bituriges, ainsi que l’auteur des Commentaires désigne les habitans d’Avaricum, une des plus intéressantes à signaler est assurément celle qui s’éleva sur les bords de la Gironde et qui n’est autre chose que Bordeaux. Ces Bituriges fuyant, dit M. de La Thaumassière, la colère de leur vainqueur, — ils avaient brûlé vingt de leurs villes pour affamer les Romains, — appelèrent Burdigala la nouvelle cité, et ses habitans prirent le nom de Bituriges Vivisci ou Vibisqiies pour se distinguer de leurs frères restés en Berry, et que l’on nommait Bituriges Cubi ou Cubes.

C’est notre grand héros, Vercingétorix, qui avait conseillé aux chefs gaulois de brûler les villes et les villages, ne pouvant être défendus. Avaricum, la cité la plus importante de la province, devait être également livrée aux flammes ; mais ses habitans supplièrent qu’on ne la détruisît pas, jurant de la défendre jusqu’à la mort. Les marais et les petits cours d’eau qui l’entourent faisaient espérer que César renoncerait à l’assiéger. Il n’en fut rien. La ville fut prise après un siège long et douloureux ; le vainqueur, incapable de pitié et désireux de venger ses soldats vaincus à Chartres et à Orléans, en passa les habitans au fil de l’épée. Les femmes, les enfans ne furent pas épargnés ; huit cents des assiégés échappè-