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Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 109.djvu/12

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REVUE DES DEUX MONDES.


inclinés, et rançonnaient Génulphe à dates fréquentes et fixes comme aux temps heureux de la dîme.

Quant à Thérèse, restant dans son cadre, et aux Dupourquet gardant près d’eux ce gendre quintessencié, ce fils de preux qu’ils exhibaient ainsi qu’un drapeau au faîte de leur toit, ils nageaient dans la pleine allégresse des situations nouvelles dont on ne prévoit jamais le revers ni les angles.

Dès les premiers jours George s’implanta carrément, bouleversa la maison, changea les habitudes, profita de la dévotieuse servilité de ses beaux-parens et de la soumission un peu craintive de sa femme pour devenir le maître.

Jusqu’alors, suivant les traditions de famille, on ne s’était occupé au Vignal que d’agriculture, et depuis l’érection de la masure en maison à tourelles, depuis l’empiétement du jardin anglais sur des joualles de vignes très anciennes qui venaient jusqu’aux murs, on n’avait songé qu’à la terre, restant, malgré la crise, la vraie richesse, le placement sûr et immuable qui fait vivre.

George, d’après l’éternel principe que noblesse oblige, exigea que l’on sacrifiât davantage au train de maison, qu’il y eût un jardinier pour les quelques massifs de fleurs qui s’étiolaient au sein des pelouses, deux cuisinières, l’une pour l’exploitation, l’autre pour les maîtres, une femme de chambre en bonnet-linge attachée à la personne de Thérèse, et un cocher qui, contrairement aux usages du pays, fût propre, parlât le français et ne portât pas de moustaches.

La Grise fut reléguée à la charrette et à la herse, et l’américaine, cette solennelle patache des grands jours, vendue au poids du fer.

Il y eut à l’écurie, joliment carrelée et divisée en boxes, deux grands tarbais vicieux qui ruaient à des hauteurs fantastiques, et un double poney luisant et gras, d’une lymphatique douceur. Dans la remise s’alignaient, reflétés par les vitres d’une sellerie modèle, un landau, un phaéton et une charrette anglaise marqués d’un chiffre tire-l’œil surmonté d’un tortil.

George, par oisiveté plus encore que par goût, était devenu grand chasseur ; il rassembla une meute de briquets poils forts qui mordaient les passans et mangeaient les poules, et deux bracks Saint-Germain d’une éducation déplorable, qui déshonoraient à tout bout de champ les armoires du vestibule et se prélassaient sur les grands fauteuils en reps jaune du salon.

Les Dupourquet ne soulevaient pas l’ombre d’une objection. Cette façon d’entendre la vie, ce contrepied systématique de leurs