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publicité, et, par conséquent, de réduire d’autant le prélèvement du prix de revient de la marchandise. Nous ne sommes encore qu’au début de ce mouvement, mais les premiers essais qui ont été tentés en France et surtout en Angleterre et aux États-Unis ne permettent pas de douter du succès. Déjà on peut affirmer que la société coopérative de consommation est l’étape du lendemain et qu’elle deviendra définitive avec la génération qui s’élève. Mais n’anticipons pas sur l’avenir.


II.

La principale cause du succès des grands magasins, c’est que leurs fondateurs ont compris qu’à une démocratie nouvelle, dont les besoins et les habitudes se modifiaient, il fallait offrir les moyens de satisfaire au meilleur marché possible les goûts d’élégance et de confortable inconnus aux générations précédentes. Ces tendances, ils ne les ont pas créées, ils n’ont fait qu’en profiter. Sur ce point, ils n’ont eu qu’à imiter la grande industrie qui déjà les avait précédés dans cette voie. Dès l’invention des chemins de fer et de l’électricité, les manufacturiers s’étaient ingéniés à faire venir la matière première : charbon, coton, laine, soie, etc., de leur lieu d’origine sans passer par la filière onéreuse et gênante des intermédiaires. Ce point admis, la première réforme consistait à supprimer ce monde de courtiers et de commissionnaires qui s’interposait entre le producteur et le consommateur et à faire bénéficier le public d’une partie des économies réalisées par cette suppression. Les grands magasins se sont adressés directement aux producteurs, et ils ont offert au public des produits sortant des manufactures à des prix un peu au-dessus du gros, souvent même à des prix égaux. Un exemple fera mieux comprendre notre pensée.

Autrefois, les magasins parisiens qui s’approvisionnaient de soieries s’adressaient à un fabricant de Lyon en passant par les intermédiaires obligés. Mais ce fabricant, d’ailleurs imparfaitement dénommé, puisqu’il ne fabrique pas lui-même, achetait ses produits au tisseur de Lyon ou de la région et les revendait ensuite au négociant parisien. Aujourd’hui, les grands magasins de nouveautés s’adressent directement au manufacturier du Rhône et de l’Isère, et, comme ils lui commandent des quantités considérables à la fois, ils bénéficient, d’une part, de la commission que prélevait l’intermédiaire et du rabais qu’obtient toujours celui dont les commandes se chiffrent par millions et qui assure au producteur un courant permanent d’affaires. Par leurs représentans, ils sont sans