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Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 109.djvu/160

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elle enfin qui empêche les fortunes que l’on prétend scandaleuses de s’accroître indéfiniment. Comme le faisait remarquer un des principaux négocians de Lyon, M. A. Isaac, dans un rapport à la Société d’économie politique de cette ville, la concurrence sur ce nouveau champ de travail opérera comme ailleurs. Le succès inouï de quelques grands magasins amènera des imitateurs. Déjà Londres possède un grand nombre de ces bazars ; dans trente ans, Paris, à son tour, en possédera davantage ; et il se fera peu à peu un nivellement là où nous ne voyons maintenant que des prééminences qui excitent l’envie. Que résultera-t-il pour le public de ce mouvement qui soulève tant de récriminations passionnées ? Il en résultera une véritable conquête économique, la possibilité de trouver, en payant comptant, toutes les marchandises à leur prix minimum. C’est là une conquête qui n’est pas à dédaigner pour toutes les classes de la société et dont les petits commerçans eux-mêmes feront leur profit s’ils sont intelligens, s’ils savent tirer parti des habitudes que les grands magasins auront fait prendre d’une part aux producteurs, et d’autre part aux consommateurs.


V.

On dénonce à la vindicte populaire et aux rigueurs du fisc ces magasins qui utilisent les chemins de fer, la poste, le télégraphe et la publicité sous toutes ses formes. Mais ces moyens d’action, c’est l’État qui les a créés pour la satisfaction de la communauté. On a dépensé des milliards pour faciliter les transactions, ouvrir des voies ferrées, creuser des canaux, rapprocher le consommateur du producteur, on a prodigué les primes à la marine marchande, et quand des hommes intelligens mettent en œuvre cet outillage, quand ils profitent des communications pour faire pénétrer le confortable et le luxe à bon marché dans les contrées les plus lointaines, on se ligue contre eux et on essaie d’annuler leurs efforts. Est-il admissible que, pour satisfaire à des préjugés ou à des convoitises électorales, on songe à fermer une des voies ouvertes à l’activité nationale, et on paralyse l’initiative d’hommes qui, sans jouir d’aucun monopole, contribuent au développement de la fortune publique ? Et cela quand rien n’empêche les premiers venus d’en faire autant et de lutter à armes égales contre de prétendus accapareurs. Quoi de plus légal, de plus foncièrement démocratique que cette vulgarisation des choses réservées jadis aux classes opulentes ? Depuis quand l’intelligence commerciale est-elle un crime ? Et ce qui achève de donner à cette campagne un caractère