Comme le disait, à Pérouse, le cardinal Pecci, ce n’est pas seulement le jour du Seigneur, c’est aussi le jour de l’homme. La fantaisie du poète a représenté le juif, métamorphosé durant six jours en animal immonde, qui recouvre la forme humaine, le vendredi soir, en allumant les flambeaux du sabbat[1]. Ainsi de l’ouvrier chrétien, le dimanche ; lui, aussi, redevient un homme, se sent pleinement un homme. Mais, pour que l’antique sabbat garde toute sa valeur sociale, il faut que le repos hebdomadaire tombe, autant que faire se peut, pour tous, le même jour ; que tous les membres de la famille, tous les habitans du pays le fêtent ensemble ; et non point, comme le veulent des libres penseurs imbéciles et de faux démocrates, que ce soit un jour choisi au hasard, entre les sept de la semaine, par le caprice de l’ouvrier, ou par l’arbitraire du patron. Une des tristesses de ce temps, où nous ne sommes plus à les compter, c’est de voir l’inepte fanatisme de majorités prétendues démocratiques repousser de la loi sur le travail des enfans ou des femmes le mot de dimanche, de peur d’avoir l’air de complaire aux curés[2]. Je dirai plus, jamais, au point de vue social, faire le lundi ne vaudra célébrer le dimanche. Pour que le jour de repos, commandé par Dieu, fût vraiment, pour l’homme et pour le travailleur, pour la femme et pour l’enfant, un jour de relèvement et d’affranchissement, il faudrait qu’il lût ramené à sa signification ancienne ; que, au lieu d’un chômage, « fauteur des vices et dissipateur des salaires », ce fût le jour de Dieu, en même temps que le jour de l’homme, — le jour de la famille et du foyer, le jour de l’âme et de l’esprit, et non pas seulement le jour des guinguettes ou des bookmakers.
Ici, l’Église appelle l’intervention de la loi, parce que la loi humaine ne ferait que sanctionner la loi divine. En est-il de même pour les autres points du programme ouvrier ? Prenons la plus simple, en apparence, des mesures réclamées par les congrès des travailleurs, la limitation des heures de travail. Que nous enseigne le saint-père ? Que l’activité de l’homme a des bornes qu’elle ne peut franchir ; que le nombre d’heures d’une journée de travail ne doit pas excéder la mesure des forces du travailleur. Va-t-il fixer la longueur de la « journée normale, » comme disent certains sociologues, ou de la « journée maximale, » comme s’expriment, avec plus de réserve, quelques catholiques[3] ? Non pas,
- ↑ H. Heine, Prinzessin Sabbath.
- ↑ C’est ainsi que notre chambre des députés, rejetant l’amendement présenté par M. Léon Say, a encore, en décembre dernier, par 316 voix contre 216, refusé d’inscrire dans la loi le nom du dimanche.
- ↑ M. le comte de Mun et M. L’abbé Winterer entre autres. Tous deux réclament une loi fixant la durée de la « journée maximale, » pour les ouvriers adultes dans les usines. En fait, il y a, on le sait, une loi de 1848 fixant, chez nous, ce maximum à douze heures ; et une loi récente, votée par la chambre et non encore ratifiée par le sénat, vient, pour les femmes, d’abaisser ce maximum à dix heures. Au-dessous de cette journée maximale, la détermination du nombre d’heures de travail reviendrait, d’après M. de Mun et M. L’abbé Winterer, non aux pouvoirs publics, comme le demandent les partisans des « trois huit, » mais aux corporations, aux syndicats mixtes, à la Juridiction professionnelle en un mot.