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première noblesse des Pays-Bas. Adrien van Zwieten, Lancelot de Brederode, Albert d’Egmont, Frédéric et Guillaume van Dorp, le baron bourguignon de Montfalcon, Guillaume d’Imbize, gentilhomme gantois, Nicolas Ruychaver, Adrien Menninck, Dirk van Bremen et maint autre allèrent tenir compagnie à Sonoy, à Thomasz, à Jan Abels. Les guerres civiles ne connaissent pas cette division jalouse du travail qui partage les armées en marins et en soldats. Les mêmes personnages font campagne sur terre ou sur mer, suivant que l’occasion s’en présente.

Pour prix de sa condescendance envers cette force irrégulière qu’il voulait relever aux yeux mêmes des élémens si divers qui la composaient, Orange s’était réservé le droit de nommer l’amiral auquel il conférait le soin d’introduire dans la flotte une certaine unité. Son choix tomba sur un très vaillant homme de guerre, sur Adrien de Berghes, seigneur de Dolhain. Cet amiral, — le premier qui ait arboré au grand mât, en vertu d’une commission régulière, l’étendard de l’insurrection, — paraît avoir échangé sans trop de regret la vie des camps pour la vie bien plus rude encore du corsaire. Malheureusement pour Orange, la comptabilité de Dolhain laissa, dès le début, beaucoup à désirer. Orange attendait des gueux moins des victoires éclatantes que des victoires fructueuses. Tourmenté, comme tous les généraux de cette période troublée, du besoin d’argent, sachant qu’avec de l’argent il recruterait facilement des armées, il abandonnait à l’amiral, pour la part personnelle dont il n’entendait pas le priver, le dixième du butin. Tel était l’avantage universellement attaché à la fonction. Des neuf parts restantes, Orange s’attribuait expressément le tiers. Les deux autres tiers seraient partagés entre les équipages et les capitaines, à la charge pour les capitaines de payer la solde et les vivres. Les premiers débats entre Orange et Dolhain naquirent de cet arrangement.

Au mois d’octobre 1569, la bataille de Montcontour portait un coup funeste à la cause des réformés. Trois jours avant cette bataille, le prince d’Orange avait quitté la France pour rentrer en Allemagne, son refuge accoutumé. A peine remis de l’émotion que dut lui faire éprouver la défaite de ses alliés naturels, Orange s’empressa de dépêcher auprès de Dolhain un de ses officiers les plus actifs, Jean Basius. L’amiral venait précisément d’arrêter, au mois de septembre, à l’entrée de la Vlie, une des passes qui donnent accès dans le Zuyderzée, deux flottes marchandes arrivant de la Baltique ; l’une de soixante vaisseaux, l’autre de quarante. Ces flottes étaient en majeure partie composées de bâtimens neutres. Un tel mépris du droit des nations ne témoignait que trop du profond