mais ce sont là des cas tellement rares et d’une étiologie si contestable qu’ils ne peuvent pas entrer sérieusement en ligne de compte.
Les seuls phénomènes nicotiniques qu’on observe d’une manière fréquente chez les priseurs, c’est le tremblement des mains, ce tremblement rythmique, qui ne ressemble ni à celui des vieillards, ni à celui des alcooliques et qui se rencontre également chez la plupart des grands fumeurs. Le docteur Amédée Latour, qui a conquis dans la littérature médicale un renom des plus honorables, prisait d’une manière immodérée. Il avait contracté cette habitude pour se débarrasser d’une névralgie faciale et il était atteint d’un tremblement si prononcé qu’il avait de la peine à écrire. À différentes reprises, il avait essayé de se guérir de cette infirmité très gênante pour un publiciste, en renonçant à la tabatière ; mais alors la névralgie reparaissait avec son intensité première et c’était encore pis, et puis Latour était un dilettante de la prise. Il la savourait avec une volupté savante ; elle lui inspirait, disait-il, ses pensées les plus délicates, ses aperçus les plus ingénieux. C’eût été une véritable ingratitude que de divorcer avec cette compagne de ses veilles, et notre confrère a continué à priser jusqu’à la fin de sa longue carrière.
On n’observe pas d’autre accident nicotinique chez les priseurs. Le docteur Beau a fait connaître toutefois un cas d’angine de poitrine bien caractérisé chez un sujet qui faisait abus du tabac en poudre. Un fait unique est sans importance quand il s’agit d’une habitude aussi répandue ; il est inutile, d’ailleurs, de poursuivre un ennemi qui bat en retraite. La prise est condamnée. La mode en a fait justice et ses arrêts sont sans appel. Il n’en est pas de même de ceux de l’hygiène.
Il ne reste donc plus au tabac d’autres prosélytes sérieux que les fumeurs, mais ceux-là ne paraissent pas disposés à se rendre. Jusqu’ici les attaques dont ils sont l’objet ne semblent pas les émouvoir et cela tient en partie à l’exagération même dont elles sont empreintes. Les adversaires du tabac lui ont fait jusqu’ici la partie belle, et c’est véritablement rendre service à la cause qu’ils soutiennent que de déblayer le terrain de tous les argumens de mauvais aloi qu’ils y ont entassés avec les meilleures intentions du monde.
Ces philanthropes appartiennent à la classe des hygiénistes intransigeans pour lesquels l’art de se bien porter est une religion dont ils sont les grands-prêtres, et qui ont élevé le culte de la santé à des hauteurs telles que le commun des mortels aime encore mieux courir la chance d’être malade que de se soumettre à des règles aussi rigoureuses. Ces jansénistes de l’hygiène la feraient prendre en horreur.
La petite église qui s’est donné la mission de courir sus au