Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 109.djvu/457

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il attendait l’heure inévitable qu’il avait prévue ; l’entendant approcher, il réveillait la France avec ses Girondins, ce livre dont on a dit : « C’est une révolution qui passe ; » et jusque dans les erreurs manifestes de cette histoire, Lamartine gardait mieux que notre indulgence, il gardait notre sympathie et notre admiration, tant étaient visibles sa pitié pour les victimes, son amour de la vertu, son désir de se partager le cœur pour se dévouer rétrospectivement à tout ce qu’il y avait de généreux et de respectable dans chacune des deux causes en conflit. Je le voyais enfin dans la tempête et l’apothéose, debout à la barre, superbe décourage et d’éloquence, gouvernant seul contre les vagues déchaînées d’une révolution sociale, les contenant par sa parole, bravant la mort chaque jour avec des mots heureux, investi durant quelques semaines d’une royauté absolue, idole et prophète d’un peuple qui le suivait comme la protestation vivante de l’idéal contre la coalition des intérêts. Et après tant de bonheur et de gloire, la chute, l’oubli, la misère, la mort sourde ; triste envers du tableau sans doute, mais encore empreint d’une sombre noblesse, relevé par la dignité touchante de ce long labeur du vieillard, et qui achevait de prendre nos cœurs en ajoutant la compassion à l’éblouissement.

Ainsi m’apparurent longtemps, comme un tout harmonieux et magnifique, l’œuvre, la personne et la vie de Lamartine. Quand je dis moi au lieu de nous, c’est, je le répète en m’excusant, pour ne pas affirmer sans preuves ce dont je suis pourtant persuadé, l’identité de la vision chez la plupart de mes aînés et de mes contemporains. Ainsi je le vis jusqu’à l’époque récente où me vint la malencontreuse pensée de l’étudier de plus près, dans ces gros livres et ces livres neufs auxquels il faut maintenant revenir.


II.

Reprenons-les, ces dossiers de l’instruction. Confidences Commentaires, Correspondance, biographies, critiques ; et les Souvenirs de l’excellent Charles Alexandre, un de ces témoins à décharge qui font parfois condamner le prévenu ; et la Jeunesse de M. Reyssié, où le souci de l’information ne sert pas toujours les pieuses intentions du narrateur. En contrôlant les uns par les autres ces documens, nous obtiendrons l’autre figure de Lamartine, celle que voient les gens renseignés ; la vraie, comme l’on est convenu de dire pour tout ce qui diminue. Je prends le mot à titre provisoire, nous en discuterons ensuite le bon aloi.

est entendu tout d’abord que nous devons réviser à chaque 

ligne les assertions du principal intéressé et qu’il a « le génie de