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Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 109.djvu/483

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REVUE. — CHRONIQUE.


condition d’une principauté hors la loi qu’elle s’est créée et d’où elle ne paraît pas devoir sortir de sitôt. La Roumanie est certainement un État plus régulier, qui s’efforce de justifier sa fortune et ce titre de royaume indépendant qu’elle a payé de son sang, en mêlant ses armes aux armes russes devant Plewna ; elle n’a pas moins de son côté des crises intérieures qui ne sont peut-être pas elles-mêmes sans quelque rapport intime avec le mouvement diplomatique de l’Europe.

Que signifie réellement cette crise ou cette évolution ministérielle qui vient de se produire à Bucharest ? Par elle-même elle semble assez bizarre. La Roumanie, depuis qu’elle a conquis son indépendance dans la dernière guerre, a passé par bien des phases difficiles. Elle a eu, il y a quelques années, son Stamboulof en M. Jean Bratiano, un de ces petits dictateurs affectant l’omnipotence à la Bismarck. M. Jean Bratiano a disparu dès 1888, au milieu de scènes violentes, et il est mort depuis. Après lui les ministères se sont succédé et ont toujours eu quelque peine à vivre avec des parlemens où se combattaient et se neutralisaient trois ou quatre partis, les anciens conservateurs, les néo-conservateurs, le parti dit des « junimistes, » les nationaux libéraux. Jusqu’à ces derniers temps, il y a eu un ministère qui s’était formé sous la présidence du général Floresco, qui a réuni un instant des conservateurs dont le plus éminent était M. Lascar Catargi, un homme de vieille renommée en pays roumain, et des nationaux libéraux, M. Blaremberg, M. Vernesco. Ce ministère avait contre lui l’opposition de tous les autres partis ; il était de plus affaibli par ses propres divisions, par une intime rivalité d’influences. Que s’est-il passé ? La vérité est que depuis deux mois il y a eu à Bucharest un véritable imbroglio, où les ministres se sont visiblement joué les uns les autres et qui a fini par l’élimination des libéraux nationaux. Ce n’était encore que le commencement de l’évolution. La crise ne s’est réellement dénouée que par la formation d’un ministère qui a pour chef M. Lascar Catargi, et qui réunit des conservateurs de toutes les nuances, des junimistes, — des hommes de talent, M. Lahovary, M. Carp. Le parlement, qui avait été dissous, au courant de l’année dernière, vient d’être dissous encore une fois. Il s’agit de savoir si le cabinet conservateur reconstitué aura, dans les élections qui vont se faire d’ici à quelques jours, la majorité qu’il cherche et qu’il espère.

Ce qu’il y a de caractéristique, c’est qu’à travers toutes ces crises qui se succèdent depuis quelques années, il y a visiblement un travail de diplomatie qui se poursuit, dont le roi a le secret et la direction. Le roi Charles est allé en Allemagne et il a eu ses entretiens avec l’empereur Guillaume. Il était récemment à Buda-Pesth, où il s’est rencontré avec l’empereur François-Joseph ; il a même fait une pointe en Italie. Que le roi Charles, qui est un Hohenzollern, ait des inclinations tout