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hébraïque a tenu dans une aire encore plus resserrée, dans l’enceinte de Jérusalem et dans le petit royaume qui en dépendait. L’historien, il est vrai, a bien d’autres étendues à parcourir pour suivre, des rives de l’Oronte aux plages de la mer Egée, les traces de ces tribus syro-cappadociennes qui ont laissé derrière elles, comme marque de leur passage, des sculptures rupestres d’un style si particulier, auxquelles sont joints, le plus souvent, les signes de cette écriture idéographique dont l’emploi a précédé, dans toute cette région, celui des alphabets issus de l’alphabet phénicien ; mais la Syrie septentrionale et les hautes terres de l’Asie-Mineure, qui étaient en communication par les cols de l’Amanus et du Taurus, n’en sont pas moins restées le centre d’où ces types se sont répandus vers l’Occident. Lorsque, quelques siècles plus tard, la grande presqu’île qui prolonge et termine l’Asie a reçu de l’Europe, par le Bosphore, de nouveaux émigrans qui s’y sont répandus en tous sens, les Phrygiens occupent d’abord le pays entre la Propontide et la chaîne du Sipyle, puis les plaines élevées et accidentées où prennent leurs sources le Sangarios, l’Hermos et le Méandre. Le royaume lydien grandit autour du cours moyen de l’Hermos, et les Cariens se fixent dans le district montueux qui est compris entre le Méandre et l’épais massif des montagnes lyciennes. Celles-ci, par l’arc quelles décrivent tout autour de la Lycie, en font une des contrées les mieux circonscrites qu’il y ait au monde, une de celles qui paraissent le plus sûrement destinées à vivre d’une vie indépendante, dans un isolement plus ou moins complet. Quant à la Perse, c’est le plateau de l’Iran, ou du moins la partie de ce plateau qui confine à la Mésopotamie et à la Susiane.

Ces divers peuples ont pu, de différentes façons, faire sentir à leurs voisins l’ascendant de leur activité créatrice et parfois même exercer cette influence jusque sur des nations très éloignées ; mais chacun d’eux n’en a pas moins formé une masse compacte, dans une portion concrète du continent africain ou asiatique, et c’est sur ce terrain, qui est son domaine propre, qu’il faut aller le chercher et s’établir à demeure, quand on veut définir son génie par son œuvre. Pour les Phéniciens seulement, on est contraint d’adopter une autre méthode ; on commence par les étudier chez eux, dans ce district de la Syrie qui a été le berceau de leur fortune industrielle et commerciale ; mais on ne saurait s’y enfermer ; la nécessité s’impose de suivre ces marchands au-delà des mers, dans leur empire colonial de la côte d’Afrique, dans leurs comptoirs semés d’un bout à l’autre de la Méditerranée, sur toutes les grèves enfin où leurs navires, la quille enfoncée dans le sable, ouvraient