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des falaises calcaires, au jaune et au rouge dont se veinent, par endroits, les pans de roc coupés à pic, que le soleil les ait dorés de ses rayons ou que la pierre renferme des oxydes de fer et de manganèse. Les roches ignées, avec leurs teintes plus sombres, sont rares en Grèce ; on trouve pourtant de la serpentine en Argolide ; la presqu’île de Méthana n’est qu’un soulèvement de trachyte ; la Laconie a de beaux porphyres, sur le versant oriental du Taygète. Les couleurs de la roche, qui fend partout le sol et se montre par grandes masses, sont presque toujours vives et variées ; on dirait une décoration polychrome exécutée à grands coups de brosse par un maître peintre. Le concert des tons devient plus harmonieux et plus brillant encore lorsque la forêt de chênes et de pins s’étale contre les parois de marbre ou que, dans la cavité de quelque faille humide, verdoie un de ces fourrés opulens et drus, comme on n’en voit que dans les pays chauds, près des sources que l’été même ne réussit point à tarir.

Ce n’est pas seulement par ses formes en quelque sorte monumentales et par l’élégance sobre et sévère de sa coloration que cette terre de Grèce a pu concourir au progrès des arts du dessin ; c’est aussi par sa composition même, par la nature des roches qui la constituaient. Ces roches, en se désagrégeant, avaient formé, dans beaucoup de cantons, une excellente argile plastique, également propre à fournir au maçon la brique ou la tuile et à se laisser modeler complaisamment par les doigts du potier et par ceux du sculpteur ; là où elles ont gardé leur consistance et leur dureté, elles offrent partout au constructeur des matériaux de valeur inégale, mais qui tous se prêtent, au prix de quelques soins, à servir ses ambitions. Les tufs coquilliers, les seuls qu’il ait à sa portée dans maints districts, lui apprendront à recouvrir la roche d’un stuc, à en voiler les défauts sous un enduit coloré. Là où il aura de belle pierre, comme celle du Pirée qui entre pour une part si notable dans les édifices attiques, il recevra d’elle d’autres leçons ; il y prendra l’habitude de chercher la précision de la taille et la finesse du joint, de donner aux blocs une disposition rythmique et aux moulures un ferme accent. C’est grâce à ces mérites qu’un pan de mur hellénique, resté debout au milieu de la brousse, possède par lui-même une certaine beauté, à laquelle ne restera point indifférent quiconque a le sentiment de l’ordre et sait apprécier le fini du travail. Ces mêmes qualités, on sera conduit à les pousser plus loin encore quand on emploiera, dans les bâtimens, une matière bien plus fine encore de grain, le marbre ; celui-ci inspire une sorte de respect involontaire à l’ouvrier chargé de le mettre en œuvre ; il lui est garant qu’aucune intention et aucune délicatesse