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conventions commerciales où il insérera des droits inférieurs à ceux du tarif minimum. Voilà donc l’étrange combinaison d’incohérences à laquelle sont arrivés un ministère vacillant et pusillanime et des chambres irréfléchies et fantasques : un tarif maximum qui n’est pas maximum, un tarif minimum qui n’est pas minimum, un tarif ultramaximum qui n’est pas déterminé et reste dans les brouillards à l’état de menace, un tarif infra-minimum qui est également vague et entouré de voiles pour servir d’appât.

Il est clair que ni le gouvernement ni les chambres n’ont su ce qu’ils faisaient. Ils ont compté sans le reste du monde ; ils ont cru pouvoir régler, de leur seule autorité, les relations économiques de la France avec l’extérieur, oubliant que, puisqu’il s’agit de rapports avec le dehors, la France n’est plus seule et n’est plus maîtresse, que dans des contrats, quelles qu’en soient la forme et la durée, il faut bien tenir un certain compte de la volonté, des intérêts, même des préjugés, de chacun des contractans.

Aussi, se trouve-t-on dans le plus complet désarroi. Les traités conclus par l’Allemagne pour douze années, avec des tarifs fixes, n’ont pas créé pour nous cette situation embarrassée ; ils la rendent seulement plus saisissante aux yeux de tous par le contraste, plus inquiétante aussi par les conséquences politiques que chacun prévoit. Notre gouvernement s’est donc mis à négocier, sinon des traités de commerce, du moins des conventions commerciales. Il pratique l’art de la synonymie et de l’euphémisme ; il cherche à maintenir la chose en changeant le mot, en substituant un vocable moins discrédité au vocable actuel. Cependant, ces conventions commerciales, que l’on cherche à élaborer, ne valent pas les vrais traités de commerce ; elles ne stipulent qu’une durée annuelle, elles ne contiennent pas ou ne contiendront pas, du moins, de tarifs fixes ; elles ne garantissent donc aucune stabilité.

Heureusement, la clause du traité de Francfort qui stipule entre la France et l’Allemagne l’application du traitement de la nation la plus favorisée nous préserve d’un blocus sur toutes nos frontières continentales ; mais cette clause, si bienfaisante qu’elle soit, quoique si attaquée naguère, n’a pas toute la vertu qu’on lui attribue. Les deux pays ne se sont promis de se faire bénéficier mutuellement que du régime accordé aux principales nations commerçantes parmi lesquelles ne figurent ni l’Italie, ni l’Espagne. Il serait donc possible, à la rigueur, que l’Allemagne accordât soit aux vins et aux soies d’Italie, soit aux vins et aux fruits d’Espagne, des avantages dont ne profiteraient pas les produits similaires français. On a remarqué, en outre, que dans les traités de commerce conclus il y a quelques semaines par l’Allemagne, on avait évité avec soin d’abaisser les droits sur les principaux articles