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fut contre cinq mille francs et deux cents fusils, ou quelque chose d’approchant, et peut-être une boite à musique par-dessus le marché.

Le dénoûment est curieux. On avait pour secrétaire d’État aux colonies lord Derby, passé avec armes et bagages dans le camp libéral, et comme premier ministre du Cap, sir Thomas Scanlen, syndic un peu découragé de la faillite militaire et diplomatique au Bassoutoland. A la date du 3 février 1884, le colonial office demande par le câble sous-marin si le Cap se chargerait du contrôle d’Angra-Pequeña au cas où ce port serait déclaré britannique. Dans la négative, il serait difficile de résister aux remontrances de l’Allemagne, car elle fait observer que, faute de protection autrement assurée à ses sujets dans cet endroit, — l’expression est à souligner, — elle devra y assumer la juridiction. « Dans cet endroit » manquait de justesse ou péchait par trop de précision. Il s’agissait bel et bien d’un vaste territoire, fort difficile à surveiller. Le Cap, certainement, ne pouvait pas alors s’imposer pareille tâche. Le 7 mai seulement, après trois mois d’attente, on reçoit à Londres, enfin, une lettre. Sir Thomas Scanlen a taillé sa meilleure plume pour écrire que ses jours ministériels sont comptés. Le parlement colonial va entrer en session ; mieux vaut lui laisser la décision en si grave matière. Pour dire cela, il n’était pas besoin, en effet, de recourir au télégraphe. Mais lord Derby s’impatiente. Câblegramme du 9 mai : Il est nécessaire de faire connaître à l’Allemagne les intentions du gouvernement de Sa Majesté sur Angra-Pequeña. Si la colonie veut se charger du contrôle, qu’elle s’explique au plus vite. Même jour. Le premier ministre, déjà démissionnaire, se voit forcé de répondre qu’en principe il n’aurait pas été partisan de l’annexion, vu l’état des finances ; néanmoins, en raison des circonstances, il l’aurait recommandée, — s’il était resté aux affaires ! Vingt jours plus tard, — vingt jours, et il n’y avait pas une minute à perdre ! — un cabinet présidé par sir Thomas Upington finit par formuler cette proposition du Cap : Si le gouvernement britannique ne veut pas proclamer toute la côte possession de l’empire et y exercer le contrôle, ce qui serait la meilleure solution, alors la colonie s’en annexera une moitié ou les trois quarts, jusqu’à la baie Valfich et celle-ci comprise ; mais dans l’intérieur, elle ne s’engage à rien, hors un rayon de dix milles ; et encore elle compte que l’empire établira son autorité au nord de la future limite ; coloniale jusqu’aux territoires portugais., Dans le cas où l’on accepterait cet arrangement à Londres, une proposition serait faite au parlement du Cap. Ainsi, la colonie déclinait toute responsabilité quant au