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hinterhand. Mais cet arrière-pays, cet intérieur, c’était précisément la région habitable, celle où résidaient la plupart des sujets allemands. On ne consentait qu’à la possession nominale d’un littoral désert, assuré comme on l’était que la police y serait faite par la marine, aux frais du trésor britannique.

C’était maintenant le tour de lord Derby. 18 juin. — Vous ferez mieux d’attendre. Il faut éviter tout malentendu avec Berlin. Les négociations se poursuivent. — 25 juin. — Le gouverneur du Cap accuse réception de la précédente dépêche. On ne fera rien, on attend. — 6 août. — Le commandant de la corvette allemande Elizabeth plante le drapeau de son pays à Angra-Pequeña, tandis que la canonnière Wolf remonte vers le nord pour en faire autant dans toutes les anses praticables jusqu’au cap Frio. Le Wolf n’évite que la baie Valfich, où flottent les couleurs de la Grande-Bretagne.

Ce chapitre d’histoire diplomatique est instructif. L’Allemagne avait mené son jeu avec une habileté qui n’excluait pas la décence. Correcte jusqu’au bout, elle avait montré une grande sûreté de coup d’œil, et, au moment critique, une décision digne d’éloge au point de vue de l’art. Que disait-elle, en somme ? Protégez mes nationaux ou sinon je les protège. Mais le Cap était impuissant, l’Angleterre dégagée. Leur inaction allait devenir une cause d’inextinguibles regrets pour l’un et de continuels tracas pour l’autre.

Tous les événemens qui ont marqué dans la trame des six dernières années, au sud-Afrique, dérivent de celui-là ou y ramènent.

Au Cap règne une doctrine, l’afrikandérisme, tendant à unifier l’Afrique australe par une fédération. L’entrée d’un nouveau personnage, et d’un personnage comme l’Allemagne, dans le cercle qu’embrasse cette expression géographique, troublait un rêve cher. On juge que « grand-maman, » — lisez l’Angleterre, — n’est plus une métropole gênante et que sa protection peut encore être utile. Mais que faire de l’Allemagne ? Pour descendre sur le terrain des intérêts les plus pressans et des questions les plus actuelles, comment rendre efficace l’union douanière, prélude d’un pacte fédéral, si une contrebande passait à l’aise par une frontière terrestre autrement difficile à garder que le littoral perdu ? Si du moins on savait au juste pourquoi l’Allemagne s’est fourrée dans ce coin et pourquoi elle y reste ! Pour se réserver, sans doute, un article de troc diplomatique. Soit ; qu’elle s’explique alors ! Seulement, dit-on, l’oracle ne parle pas, ou bien c’est pour réclamer une extension de sphère. Un sentiment tout pareil règne dans la république hollandaise de l’Orange. Celle du Transvaal ne s’y associe pas. Elle repousse l’union douanière comme