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genre de relations tient d’autant plus de place qu’un besoin d’unité la travaille et qu’elle brille par le nombre des divisions comme par la variété des formes de gouvernement. Où trouver ailleurs un aussi curieux pêle-mêle ? Physiquement, l’Afrique du Nord a bien des traits communs avec celle du Sud ; politiquement, la différence est grande. Vous n’y alignerez jamais, tout compté, qu’un empire musulman, une colonie française, un protectorat, une province turque et un État vassal ; ajoutons, si l’on veut, les Maures nomades. Prenez maintenant le triangle au sud du Zambèze : vous avez là trois et même quatre espèces de possessions britanniques, la colonie à self-government, c’est le Cap ; la colonie relevant de Londres, c’est le Betchouanaland ; un échantillon du genre intermédiaire, c’est le Natal ; un spécimen mal défini, c’est le Bassoutoland. Vous avez une république absolument indépendante, l’État libre de l’Orange, et une à moitié sous le contrôle de l’Angleterre, le Transvaal. Vous avez deux protectorats anglais, l’un effectif, dans le Betchouanaland nord, l’autre nominal, sur la côte du Pondoland. Vous avez enfin des royaumes nègres, un protectorat allemand, une possession portugaise, et, brochant sur le tout, trois sphères d’influence : Grande-Bretagne, Allemagne et Portugal ! C’est un vrai musée de types politiques et administratifs. Et ce musée n’est pas, comme d’autres, mort et silencieux. On s’y démène ; on y fait un vacarme du diable, à étourdir le visiteur qui, la veille, aurait chevauché par les rues étroites, fraîches et calmes d’une ville marocaine, l’oreille tendue au mystérieux bourdonnement de quelque école mahométane, une de ces écoles où des enfans aux yeux de gazelle ou de lion épèlent le Coran près d’un jet d’eau, sous l’ombre tremblante d’un platane, autour d’un prêtre à barbe blanche et en lunettes ! Il faut mettre le nez dans les recueils statistiques pour voir qu’en définitive plusieurs de ces constructions édifiées sur le sol de l’Afrique australe ont des façades imposantes, et, derrière, assez peu de choses, — comme certaines églises des missionnaires jésuites au Brésil ou au Paraguay. Mais que voulez-vous ? Un État de 500,000 âmes est toujours un État. Il doit avoir sa politique au dehors. A côté, une colonie de 1 million 1/2 d’habitans a presque l’air d’une grande puissance. Elle doit avoir sa politique au dehors. Et dans ce milieu si varié ce sera, en petit, la même concurrence que dans notre vieille Europe, la même lutte d’ambitions, les mêmes chocs d’amour-propre, avec les mêmes raisons de ne pas s’entre-dévorer et de chercher à vivre en paix.

Voici où la politique extérieure du Cap se sépara un peu de celle de l’Angleterre. Un document avait fait grand bruit dans la