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nègres se chamaillaient avec ces étrangers ou se battaient entre eux, aidés par des aventuriers européens. Le désordre avait pris de telles proportions qu’on ne crut pas trop faire en expédiant des ports du royaume-uni un corps de 5,000 hommes pour occuper la contrée, dans les derniers mois de l’année 1884. Et il s’en était suivi la proclamation d’un protectorat britannique, enfoncé comme un coin entre le Namaqualand, terre désormais allemande, et le Transvaal.

Lord Salisbury fit plus : un tiers environ du Betchouanaland protégé fut annexé ; on en fit une « colonie de la couronne » ou « en tutelle, » indépendante de ses voisines, sous la surveillance du colonial office, et l’on enchâssa ainsi, en pleine mosaïque de possessions autonomes et semi-autonomes, de républiques souveraines ou vassales, de principautés noires, de protectorats et de pseudo-protectorats, un carreau simplement marqué V. R. — Victoria Regina. Mais ce compartiment distinct, on le riva au Cap par un gouverneur commun, vice-roi constitutionnel dans la colonie autonome, préfet dans la réserve du pouvoir métropolitain. Le génie administratif des Anglais ne répugne pas aux combinaisons subtiles et complexes : il se pique rarement d’une belle ordonnance logique, s’il atteint son but. On voulait, en un mot, rendre au gouvernement de l’empire une base d’opération sans alarmer ni froisser le Cap, et, d’ailleurs, il était de part et d’autre compris que tôt ou tard le Betchouanaland britannique, — comme s’appelait cette province, — deviendrait un district colonial.

Les deux autres tiers du protectorat restèrent protectorat.

Cette importante mesure, du 30 septembre 1885, contenait en germe tout le programme : concours de la métropole et de la colonie.

Or, ce qu’on va voir, c’est qu’il y avait bien à cela quelques petites difficultés.


Le Cap a une politique extérieure ; il en a une forcément, et bien entendu ses intérêts ne sauraient s’harmoniser toujours avec ceux du gouvernement métropolitain. Cette colonie a elle-même des possessions : la baie Valfich et le port Saint-John. Elle traite directement avec des États voisins ; elle a deux ou trois fois envoyé des personnages, ministres ou députés, en mission diplomatique, à Pretoria, et il n’y a pas très longtemps, elle songeait à y instituer une agence permanente. Là-bas, tout au bout de l’Afrique, il s’échange, comme en Europe, des notes de pays à pays, il se tient des conférences internationales, il se signe des conventions, on voit se nouer et se dénouer des alliances. C’est une contrée où ce