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Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 109.djvu/70

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REVUE DES DEUX MONDES.


Que prétend-on donc par cette méthode si éloignée de nos habitudes ? On prétend éviter l’ordinaire banaUté des résultats d’examens. Au lieu de constater la mémoire et la docilité d’esprit du candidat, on cherche à s’assurer de sa pénétration et de son jugement. On s’efforce de discerner ce dont il est capable quand il se mêle d’aller au fond des choses et ce qu’il saura faire par lui-même quand, d’écolier en tutelle, il sera devenu un agent responsable en liberté.

Voilà ce qu’est l’examen d’admissibilité. Le programme de l’examen d’admission, qui clôt la probation et entraîne l’obtention du certificat d’aptitude aux fonctions de l’Inde, est tout autre chose : il a un programme à la fois technique et pour la plus grande partie obligatoire. L’examen d’admissibilité avait ouvert la probation à des gentlemen lettrés ; la probation n’ouvre la carrière qu’à des techniciens. Aussi ne leur demande-t-on plus que des connaissances tout à fait spéciales : non plus l’histoire générale ou l’histoire d’Angleterre, l’histoire de l’Inde ; non plus le droit romain ou le droit anglais, le droit indien ; non plus seulement le sanscrit ou l’arabe, mais le persan qui se parle à la cour des princes mahométans et la langue vulgaire de la province où ils seront occupés : indoustani, birman, etc.[1]. Et ces connaissances spéciales ne

    quelque avantage de la désignation d’une matière dont il a à peine quelque teinture. Les rédacteurs de cet article ont prévu l’emploi par les candidats, — qu’on me passe l’expression, — du truc suivant. Supposons que, sur quinze ou vingt matières que le programme comporte, les candidats les mieux préparés en aient, en moyenne, désigné six ; que, chacune de ces matières donnant droit à un nombre maximum, disons de 500 points, — ce qui porte à 3,000 le total le plus élevé qu’on puisse obtenir, — ces candidats en obtiennent 400 par matière, soit en tout 2,400. Un candidat médiocre, ayant des notions de tout, sans avoir une connaissance approfondie de rien, pourrait, au lieu de six matières, en désigner douze ; au lieu de 400 points par matière, en obtenir 200, et réunir, comme les plus travailleurs, un total de 2,400 points. Ou encore il pourrait désigner trois ou quatre matières qu’il aurait étudiées à fond, et en outre, pour compléter le total de points nécessaires, deux ou trois autres, dont il saurait à peine les élémens. Dans les deux cas, sa petite habileté ne lui profitera pas. Les commissaires, dès qu’ils s’apercevront de sa faiblesse dans une ou plusieurs parties, abaisseront, après coup, les notes qu’ils lui avaient données pour les matières les mieux sues. En latin, par exemple, où il excelle, il avait obtenu 750 points, le maximum étant 800 ; de même en chimie, sa note était 450, le maximum étant 500 ; mais, en grec, en sanscrit, qu’il avait pourtant lui-même désignés, il a été au-dessous du médiocre. À cause de cela seulement, les commissaires réduiront sa note pour le latin à 650 et sa note pour la chimie à 300, et cela l’empêchera d’être reçu.

  1. Les Anglais, avec raison, attachent une importance capitale à la connaissance des langues vulgaires indigènes. On peut même se demander s’ils n’exagèrent pas cette importance. Quand ils durent, en Birmanie, les fonctionnaires réguliers du civil service n’étant pas en nombre, leur adjoindre à la hâte quelques auxiliaires, ils pouvaient ou tirer des autres provinces de l’Inde le nombre voulu de civilians ou enrôler sur place soit des fonctionnaires des services techniques, soit des personnes étrangères à l’administration ; ils préférèrent ce dernier parti et enrôlèrent neuf fonction-