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Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 109.djvu/733

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d’y consentir que l’Angleterre, de qui il tenait cet avantage, serait embarrassée de le contraindre à y renoncer.

De plus, et à un point de vue plus général, la différence qui existait entre le mode d’agir et la situation intérieure des deux cours rendait toute espèce de relation plus difficile à entretenir et à mener à bonne fin avec l’Angleterre qu’avec l’Autriche. Marie-Thérèse, en effet, était maîtresse chez elle, libre de modifier à son gré la direction de sa politique. Les sacrifices qu’elle croyait devoir faire, c’est à elle-même et à elle seule qu’elle avait à en rendre compte. Il n’en allait pas du tout de même à Londres où un cabinet formé d’élémens disparates, placé entre un souverain irascible, un parlement divisé et une presse indépendante, se voyait obligé à tout moment de prévenir les ombrages qui pouvaient s’élever dans la pensée royale ou dans l’opinion populaire. Le parti pacifique, longtemps réduit au silence dans le conseil, venait bien de finir par se faire écouter sous l’empire d’une nécessité pressante ; mais c’était un avantage encore faible, très disputé, qui ne pouvait être maintenu qu’à la condition de ne pas imposer trop de sacrifices à l’orgueil britannique : et ce sentiment, toujours très susceptible chez une nation jalouse de sa grandeur, après avoir été un instant très vivement froissé par la victoire de nos soldats, était maintenant plus exalté que jamais par la revanche qui venait d’être prise avec éclat dans deux grandes batailles navales.

Obtiendrait-on facilement, d’une opinion publique surexcitée par des succès récens, l’abandon de cette conquête du Cap-Breton qui en était le résultat sensible, en même temps que le témoignage éclatant, et où on s’était plu à saluer avec joie un premier pas fait vers l’annexion d’une de nos plus belles colonies ? Supposé que le public anglais dût se résigner à cette pénible nécessité, il fallait s’attendre que la fibre de la vanité nationale deviendrait plus sensible par là même sur d’autres points. Si le patriotisme n’avait rien gagné, au moins voudrait-il n’avoir rien perdu à la guerre.

Or il était, on l’a vu, deux conditions particulièrement dures que la France avait dû subir dans les mauvais jours de la vieillesse de Louis XIV, — dont elle s’était affranchie avec joie pendant la guerre présente, — mais que l’Angleterre avait toujours annoncé, dans les pourparlers précédens, l’intention arrêtée de lui imposer de nouveau : je veux parler de la destruction du port de Dunkerque et du bannissement du prétendant Stuart et de sa famille. Rien ne faisait croire que le nouveau plénipotentiaire anglais fût d’humeur à se relâcher de cette double exigence. Et cependant ces