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Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 109.djvu/756

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Ce fut Saint-Séverin qui proposa de trancher le différend par la moitié, en offrant de ne garder en dépôt que la partie maritime des provinces flamandes, pourvu qu’on lui procurât au moins l’accession de la Hollande et que la France se trouvât n’avoir plus, du côté de la terre, ni opérations de guerre à poursuivre, ni représailles à craindre.

Ce n’étaient là pourtant que des propos officieux qu’il fallait encore renvoyer à l’examen et soumettre à l’approbation des deux cours, et cependant, tous les plénipotentiaires étant arrivés, on n’avait plus de raison à donner pour retarder la séance solennelle de l’ouverture du congrès. Ce fut encore Saint-Séverin, homme de ressource, qui se chargea de trouver au moins un prétexte pour motiver un nouveau délai. Le ministre de Gênes, le marquis Doria, demandait à être accueilli avec tous les honneurs rendus aux représentai de têtes couronnées, et sa prétention soulevait d’assez vives contestations. Saint-Séverin déclara qu’il ne pouvait se prononcer sur la question sans en référer à Versailles, ce qui donnait le temps d’attendre le retour des courriers. Kaunitz s’engagea de son côté à apporter avant la fin du mois, date extrême, une réponse décisive. On ne pouvait évidemment s’y préparer, de part et d’autre, avec plus de désir et d’espérance de la recevoir favorable[1].

Ce qui prouve avec quel empressement Saint-Séverin était à ce moment porté à conclure presque à tout prix avec l’Autriche, c’est le ton même des communications qu’il avait à taire à son ministre. Dans le compte-rendu de la conversation, dans l’exposé qu’il présente des difficultés soulevées et des moyens qu’il a lui-même proposés pour les résoudre, il s’exprime avec une réserve calculée qui déguise ses vrais sentimens. Il se méfie évidemment que Puisieulx, toujours en crainte et en susceptibilité du côté de la Prusse, pourrait lui reprocher de témoigner à l’ennemie de Frédéric une complaisance excessive et compromettante. Mais dans une autre lettre moins officielle, il se plaît à peindre la situation générale sous des couleurs très sombres, nullement en rapport avec la réalité des faits qu’il avait sous les yeux, et dont l’exagération a évidemment pour but de faire considérer les offres

  1. Saint-Séverin à Puisieulx, 22, 23, 26 avril 1748. (Conférences de Bréda et d’Aix-la-Chapelle. — Ministère des affaires étrangères.) — Kaunitz à Marie-Thérèse, 19-24 avril 1748. (Archives de Vienne.) — J’ai supprimé de ce compte-rendu tous les détails relatifs à des sujets de discussion peu importans (la restitution des capitaux pris aux Génois, le partage de l’ordre de la Toison d’or entre l’Espagne et l’Autriche) ; aucun de ces objets n’ayant figuré, comme on le verra, dans les arrangemens de paix définitifs, j’ai cru inutile d’en fatiguer l’attention du lecteur.