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amenée en ouvrant les yeux au pays… La république est sauvée d’une ruine complète et l’Angleterre de la banqueroute[1]. »

Dans cette satisfaction générale de la première heure, un seul osa laisser voir son mécontentement. Ce fut Maurice, qui n’avait pas caché son désir de pousser jusqu’au bout une campagne si heureusement commencée. Personne n’ignorait qu’il aurait vu avec plaisir la négociation se prolonger sans aboutir, pour lui donner le temps de changer et d’étendre, par quelque coup d’éclat, le terrain étroit et ingrat où elle était placée. On savait qu’il pressait vivement le roi de se rendre à l’armée, pensant que la présence royale rendrait toute concession excessive impossible. « Nous demandons la paix comme des lâches, lui avait-on entendu dire, et nous ne pouvons pas l’obtenir. » Aussi Saint-Séverin, se rendant parfaitement compte de la surprise pénible que la signature précipitée des préliminaires allait lui causer, avait eu soin, en stipulant l’armistice qui en était la conséquence naturelle, d’excepter de la suspension d’armes les opérations engagées devant Maastricht, afin de ne pas priver le maréchal, avec la prise de cette place célèbre, du couronnement de ses exploits.

Il n’était que temps : quand la nouvelle de l’armistice parvint au camp, tous les travaux du siège étaient terminés, et il ne restait plus qu’à commencer l’attaque décisive. Si l’on en croit même le récit, toujours sujet à caution, du brillant chevalier de Valfons, depuis vingt-quatre heures déjà le signal aurait pu être donné. Seulement, c’étaient les gardes-françaises qui, d’après leur tour de service, auraient dû, ce jour-là, ouvrir le feu, et Lowendal fit remarquer que la moindre perte, dans ce corps d’élite, ferait crier tout Paris. — « Demain, dit-il, ce sera le tour des Suisses ; leurs morts passeront inaperçus, car on n’entendra pas les cris de leurs montagnes. — Vous pensez à tout, avait dit Maurice en riant. A demain donc[2] ! »

Mais le lendemain on vit arriver un aide-de-camp du duc de Cumberland, accompagné d’un officier hollandais, annonçant tout haut que la paix était faite et comptant que le siège serait levé sur-le-champ. Maurice, ne pouvant dissimuler son impatience, le prit de très haut et déclara que, si la ville n’arborait pas à l’instant le drapeau blanc pour demander à être admise à capitulation, les opérations ne subiraient aucun retard. « Vous êtes des faibles et des vaincus, dit-il, c’est à vous de recevoir la loi que je vous impose. » Le Hollandais insista pour obtenir un délai de

  1. Chesterfield à Dayroll, 13 mai 1748. (Correspondance générale, t. III, p. 261-263.)
  2. Vallons, Souvenirs.