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quarante-huit heures afin de recevoir des états-généraux la permission de se rendre, et Maurice n’y consentit qu’à la condition que des otages lui seraient immédiatement remis.

Le 10 mai, enfin, tous les articles de la capitulation étant réglés, l’armée française eut la satisfaction de voir défiler devant elle les Autrichiens et les Hollandais qui formaient la garnison, l’arme au bras, n’emportant avec eux que quelques pièces de campagne et laissant au vainqueur tout le matériel de défense. Le maréchal de Lowendal prit possession de la ville, et Maurice, en faisant lui-même son entrée, alla droit à l’église faire chanter le Te Deum. La soumission ainsi bien constatée, l’armistice put être proclamé, à son de trompe, à la tête des deux armées.

Pendant les relations nécessaires pour préparer ce glorieux cérémonial, il n’était sorte d’empressement et d’honneurs qui ne fut témoigné au maréchal par Cumberland lui-même et par les représentans du stathouder. Ce n’était pas seulement de la politesse, c’était presque de la déférence. Tant d’égards, sans dissiper sa mauvaise humeur, qui restait visible, en adoucirent pourtant l’expression. — « Ces messieurs, le duc de Cumberland et le stathouder, écrivait-il au roi, ne savent où donner de la tête. Je suis joliment avec eux, et ils m’écrivent des lettres des plus polies. » — Et il ajoutait d’un air résigné : — « Voici enfin le chemin de la paix, j’en suis bien aise ! » — A Saint-Séverin, il se décidait enfin à faire compliment, mais d’un ton qui sentait encore l’épigramme. — « Je n’ai jamais douté, lui disait-il, de la satisfaction que le roi et le royaume ont naturellement de ce que vous venez de conclure, et je suis persuadé que vous ne pouviez rien faire qui leur fût plus agréable ; mais comme il est dans les hommes (sic) d’être inconstans et qu’ils désirent la guerre quand ils ont eu la paix pendant quelque temps, je suis persuadé qu’ils auront regret à la conclusion de celle-ci. Mais vous ne pouviez et vous ne pouvez faire autrement : ainsi mes réflexions là-dessus ne sont qu’un radotage inutile[1]. »

Puis, quelques jours après, ne pouvant contenir son déplaisir, il épanchait son humeur dans le sein du ministre Maurepas, le membre du conseil royal avec qui il entretenait la relation d’amitié la plus familière. Il se rattachait à l’espérance que, si les négociations qui devaient suivre venaient à ne pas aboutir, la restitution promise n’aurait pas lieu, et il annonçait très clairement l’intention de ne pas rendre pour sa part un pouce de terrain, tant qu’il

  1. Maurice de Saxe à Saint-Séverin, 11 mai 1748. (Correspondance de Bréda et d’Aix-la-Chapelle. — Ministère des affaires étrangères.)