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corps enseignant avait besoin, ce n’est pas par des fonctionnaires à lui, par des inspecteurs relevant de lui et recevant de lui leurs instructions, que l’État allait l’exercer ; mais mettant l’Université sous la surveillance de la haute police ecclésiastique, pour inspecteurs, pour censeurs, il lui donnait les évêques : « L’évêque diocésain exercera, pour ce qui concerne la religion, le droit de surveillance sur tous les collèges de son diocèse. Il les visitera lui-même ou les fera visiter par un de ses vicaires-généraux et provoquera auprès du Conseil royal de l’instruction publique les mesures qu’il aura jugées nécessaires. » L’École normale de Paris, où l’on n’entrait qu’à dix-huit ou vingt ans, le pli déjà pris, l’esprit déjà ouvert aux idées du siècle, paraissait une mauvaise pépinière pour former les nouvelles essences des maîtres qu’on voulait. Il ne semblait pas encore possible de la supprimer ; mais déjà on se préparait à la rendre inutile. Au chef-lieu de chaque Académie, près du Collège royal, on établissait une École normale partielle, où « un petit nombre d’élèves choisis » seraient préparés dès l’enfance non pas seulement aux études, mais aux mœurs qu’exige la profession grave et sérieuse de l’enseignement public.

La religion, la monarchie, la surveillance par le clergé, c’est de même ce qu’a tout d’abord à la bouche M. de Frayssinous. À peine établi Grand-Maître, il écrit aux recteurs : « En appelant à la tête de l’éducation publique un homme revêtu d’un caractère sacré, Sa Majesté fait assez connaître à la France entière combien elle désire que la jeunesse de son royaume soit élevée dans des sentimens religieux et monarchiques… Celui qui aurait le malheur de vivre sans religion ou de ne pas être dévoué à la famille régnante devrait bien sentir qu’il lui manque quelque chose pour être un digne instituteur de la jeunesse. Il est à plaindre, même il est coupable. » En même temps il écrit aux évêques, d’un style plus humble, pour leur rappeler leur droit de surveillance sur les établissemens universitaires et les prier d’avoir « la condescendance de lui céder quelquefois des ecclésiastiques capables de les diriger. »

Le dessein s’accuse donc. Il s’agit bien de faire une Université religieuse et pour cela de la peupler de prêtres. Un évêque est à sa tête ; dans son Conseil siègent des abbés ; un abbé est Recteur de Paris ; peu à peu l’occupation s’étend du sommet à la base ; quand une place vient à vaquer, si l’on trouve un prêtre on le prend ; on en arrive à avoir vingt-trois proviseurs et cent trente-huit principaux abbés, si bien qu’un jour Benjamin Constant peut dire : « Plusieurs Recteurs sont prêtres, tous les proviseurs, à très peu d’exceptions près, sont ecclésiastiques ; on en compte beaucoup aussi parmi les censeurs. Il y a, à Marseille, un collège où l’économe est prêtre. Il