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Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 109.djvu/863

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par la section violente de la trachée artère. Dans son opinion, les jambes n’avaient été coupées qu’après que le cœur eût cessé de battre, et afin de permettre à l’assassin d’accommoder aisément la dépouille dans un sac de dimensions réduites. L’enfant paraissait âgé de dix à onze ans ; ses organes étaient sains, l’estomac contenait encore de la nourriture. Pas d’autres indications ; une même pensée s’était présentée à tous les esprits ; on avait cru tout d’abord à quelque innommable attentat, mais l’examen du docteur, repris le lendemain avec un confrère, dissipa les soupçons qu’on avait conçus. Non, on ne relevait la trace de rien de semblable. L’imagination déroutée s’égarait à chercher les causes de l’inexplicable forfait. Il ne restait qu’à remettre à la police les pièces à conviction. Nombreuses et importantes comme elles étaient, on ne doutait pas qu’elles n’aidassent à suivre la piste du meurtrier.

Avant tout, une nécessité s’imposait, plus urgente peut-être que la poursuite du coupable. Il fallait établir l’identité du cadavre et sur ce point les agens ne tardèrent à être fixés. Le crime faisait un bruit énorme ; les gazettes en publiaient de longs récits précédés de titres à sensation, et dans les rues, arrêtée devant ces placards affriolans que la rédaction des journaux étale sur les trottoirs, la foule commentait avec passion les événemens de la nuit. Vingt-quatre heures s’étaient à peine écoulées, on savait déjà que le petit se nommait Nicholas Martin et que, jusqu’au jour de sa disparition, il avait vécu chez ses parens. Ceux-ci habitaient un quartier populeux, Bridgewater street, large voie silencieuse bordée de hautes maisons où s’entassent les ménages pauvres, et qui descend en pente douce jusqu’à la rivière. Le chef de famille, travailleur rangé et honnête, était employé dans une fabrique où il gagnait durement sa vie. Douze enfans, six filles et six garçons dont le pauvre mort était le plus jeune. Et le malheureux père, abîmé de douleur, racontait à qui voulait l’entendre, à la police aussi bien qu’au voisinage consterné, que le 16 mai, Nick était rentré de l’école à l’heure ordinaire. La mère avait servi le thé et les tartines ; après quoi, comme d’habitude pendant la belle saison, le boy était allé flâner dans la rue jusqu’au coucher. Même, ce soir-là, il avait joui de trente bonnes minutes de grâce, Mrs Martin s’étant attardée au marché encombré de monde à cause des fêtes. Positivement, quelqu’un l’avait encore vu à huit heures et demie jouant tranquillement à la balle à dix pas de chez lui, en enfant sage à qui les siens recommandaient toujours de ne pas s’éloigner surtout le samedi. A minuit, le pauvret n’avait pas paru ; trente-six heures après, le lundi matin, sa couchette était encore vide ! ..