Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 109.djvu/873

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

souterraines. En moins de temps qu’il n’en faut pour l’écrire, ils s’y engouffrent et disparaissent.


III

Au centre de la ville de Liverpool, une place attire et retient l’attention des voyageurs que les trains de la compagnie du North Western railway viennent de déposer à la gare. Deux grands hôtels sont là, prêts à les recevoir eux et leur bagage. A droite, des monumens sans caractère, mais de proportions imposantes, frappent l’étranger par leur aspect sombre et triste. Une couche noire et épaisse les habille de la base au faîte, résidu séculaire de brouillard et de charbon dont les architectes municipaux ont depuis longtemps renoncé à triompher. Sur cet espace que le vent balaie et qui n’est pas en hiver d’une traversée commode, se dressent la bibliothèque publique, le musée, la statue du prince consort. Au nord et au sud, débouchent de larges voies où la population circule, affairée. Mais la construction la plus remarquable est celle qui occupe le milieu de cette vaste étendue ; c’est le Saint-George’s hall, bâtisse gigantesque affectée à des usages très divers. L’aile gauche de l’édifice renferme des salles de dimensions considérables où se tiennent parfois d’immenses meetings, d’autres, plus petites, où le public se presse autour de conférenciers, de science et de valeur d’ailleurs inégales. Il y a des locaux pour les bals du maire, il y en a pour les concerts et les représentations dramatiques au bénéfice d’œuvres charitables. Singulier capharnaüm où on parle de tout indifféremment, aussi bien d’art, de politique et de plaisirs que de justice, d’arrêts à rendre et de scélérats à châtier, car c’est là que siège la cour d’assises. La partie droite du bâtiment est entièrement réservée aux débats, et il semble bien, en effet, que cette énorme masse, avec ses colonnes et ses pierres couleur de suie, soit plus judicieusement le domaine de l’impitoyable loi que l’asile souriant des récréations et des fêtes.

Près de deux mois se sont écoulés. Conway, toujours en prison, attend le jour du jugement avec impatience ; il a hâte que son innocence éclate à tous les yeux, que l’erreur judiciaire dont il se dit la victime soit enfin reconnue. Ailleurs, on s’est paisiblement préparé à l’ouverture de la session. Les formalités préliminaires ont été accomplies ; le clerk of assize a dressé sur parchemin l’acte d’accusation. Les deux juges de circuit qui viennent