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envahir le Berry aquitain ; sans rencontrer trop de résistance, il s’empare d’Issoudun, de Graçay, de Châteauroux et d’un grand nombre de forteresses sur lesquelles flottait le drapeau ennemi. Pour surcroît de bonheur, Henri II d’Angleterre meurt à Chinon, le 14 juillet 1189.

La trahison de ses deux fils, Richard Cœur-de-Lion, et Jean sans Terre, surtout celle de Jean sans Terre, son enfant préféré, abrégèrent son existence.

À cette mort, Richard, selon sa promesse, rendit hommage au roi de France ; il s’embarqua aussitôt après pour l’Angleterre avec l’intention de marier à un gentilhomme tout dévoué à ses intérêts Denise, la riche héritière de Déols. Son choix se porta sur l’un des plus illustres chevaliers du Poitou, André de Chauvigny, dont le cri de guerre : Chauvigny, Chauvigny, Chauvigny pleuvent ! se faisait entendre en Orient comme en Occident sur tous les champs de bataille. L’homme était parfaitement choisi : c’était the right man in the right place pour garantir à l’Angleterre l’intégrité des possessions de la jeune femme qu’il épousait. Une autre fin tragique, celle de Richard, survenue en 1199 devant le château de Chalus en Limousin, vint encore favoriser le vengeur de l’infortuné Henri Ier, car c’est de cet événement que date la première restitution faite par l’Angleterre du Berry à la France. Je dis avec intention la première ; ce ne fut qu’après les victoires de Duguesclin et de Jeanne d’Arc que la délivrance fut entière.

Par suite d’un traité conclu entre Philippe-Auguste et Jean sans Terre, tous les fiefs de la province furent remis au premier de ces princes. Ils devaient faire partie de la dot de Blanche de Castille, nièce du roi anglais et dont le mariage avec le fils du roi de France, le futur Louis VIII, dit le Lion, était une des conditions ; on sait que c’est de cette union que naquit ce pur esprit qui fut saint Louis.

Philippe-Auguste, aussitôt son traité conclu avec Jean sans Terre, s’occupa de fortifier tout ce qu’il possédait de villes en Berry. Issoudun fut spécialement l’objet de sa sollicitude en raison de sa situation près de plaines fertiles. Sancerre, quoique bien en terre berrichonne, restait en dehors de son action, car elle appartenait au comte de Champagne ; mais ce seigneur rendait hommage à la couronne de France, et, pour le moment, il eût été difficile d’exiger autre chose.

Lorsqu’on 1223 mourut Philippe-Auguste, les grands barons de la province du Berry avaient fait, de gré ou de force, leur soumission à la couronne. Parfois encore, ils rançonnaient les marchands juifs ou autres qui, pour se rendre à des foires lointaines,