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traversaient leurs domaines ; mais si ces traitans se plaignaient en haut lieu, le roi prenait leur défense et les nobles pillards recevaient de rudes châtimens. Beaucoup de ces hobereaux, qui ne pouvaient vivre chez eux en paix, allaient guerroyer au dehors ; ils ne prenaient part qu’aux querelles de seigneur à seigneur et non de seigneur à souverain.

Avant de mourir, Philippe-Auguste créa les baillis. Ils eurent mission de surveiller les prévôts, magistrats royaux auxquels étaient adressés les mandemens de la couronne. Les foires, les moulins, les pressoirs, les marchés, les étaux, les halles, les rivières, les étangs, les droits de sceaux, de greffe, de tabellionnage et de recouvrement des amendes leur étaient affermés ; que d’imagination dans ces créations de charges qui ne pesaient que sur le peuple ! Il y avait encore le sénéchal, qui n’était alors que le chef d’une justice seigneuriale ou le lieutenant-général d’un comte, et auquel prévôts et baillis devaient obéissance. Philippe-Auguste supprima cette charge.

Des deux règnes de Louis VIII et Louis IX, je ne rappellerai du premier que ce que j’en ai dit au sujet de la guerre des Albigeois. Quant au second, son règne ne fut qu’une succession de croisades. Toutefois, quoique Louis IX fût souvent absorbé par leur organisation, il sut faire de grandes choses, fort habilement utiliser le voyage qu’il fit à Bourges en mettant sous la dépendance de la couronne de France le comté de Sancerre. On a conservé les noms des chevaliers du Berry qui accompagnèrent le pieux monarque en Palestine. Dans la première croisade on trouve Guillaume II, seigneur de Vierzon, et son fils qui, plus tard, mourut à Carthage atteint du mal qui frappa son souverain ; Eudes de Mareuil et Etienne Aigullun, chevaliers ; Herbert de la Châtre, damoiseau ; Ébrard, abbé de Vierzon ; Pierre Ier, seigneur de Mehun dans le Cher, tué à Mansourah, de la Basse-Egypte, et où saint Louis fut fait prisonnier ; Guillaume de Chauvigny qui, pour payer son équipement et ses dettes, dut emprunter quatre cents livres tournois à des marchands de Florence. M. Louis Raynal dit à ce propos : « La royauté mettait son profit à seconder cet unanime empressement que mettaient les chevaliers à se ruiner ; c’était là pour elle l’un des plus utiles résultats des expéditions en terre-sainte[1]. » Je dois aussi citer dans cette liste de preux débarqués en Palestine : Roger de Brosse, seigneur de Boussac, Sainte-Sévère et Huriel ; Ebbes, seigneur de la Châtre, et ses deux fils ; le chevalier

  1. Histoire du Berry, par M. Louis Raynal, premier avocat-général à la cour royale de Bourges. Bourges, 1844 ; Vermeil, éditeur.