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Guillaume de Barre, mort en débarquant à l’île de Chypre, et enfin Eudes de Châteauroux et Gaucher de Châtillon, l’un cardinal et légat du pape, l’autre chevalier de grand renom. « Je ne saurois dire, rapporte Joinville de ce dernier, toutes les grandes occasions où Gaucher moult bien se maintint outremer, et moult en valeur se il eust vécu. » Il fut un des rares seigneurs qui s’abstint de prendre part au jeu effréné dont les croisés faisaient leur principal passe-temps devant Damiette. Il fut tué par un musulman en défendant saint Louis. Le meurtrier parcourut le champ de bataille au galop de son cheval en proclamant son triomphe, tellement Gaucher était redouté.

On trouve peu de noms berrichons dans la seconde croisade, et je ne puis citer que ceux de Jean de Seully, Pierre, seigneur de Saint-Palais et de Vaton ; Hervey, seigneur de Vierzon, et le seigneur de Châteauroux, qui y laissa la vie.

Avant de suivre les événemens qui se produisirent en Berry sous Philippe le Hardi, Philippe le Bel et autres monarques, il est impossible de passer sous silence les services que rendit aux provinces placées sous l’autorité des rois de France l’institution du parlement, œuvre de saint Louis. Ce fut la création d’un pouvoir énergique et central, opposé aux exactions et aux privilèges des grands seigneurs. Les baillis, institués par Philippe-Auguste pour remplir leurs devoirs de juges, tenaient des assises dans lesquelles, entourés des vassaux du roi, la justice était rendue, réglés les services militaires et judiciaires. Avec le parlement, s’il y avait des différends que les baillis ne parvenaient pas à arranger, les questions en litige étaient portées en appel devant lui ; il les tranchait définitivement par l’application de mesures équitables, l’autorité des vieilles lois romaines, et les précédons modérés de la justice royale.

Saint Louis, par-dessus tout, avait voulu assurer la paix dans les provinces, et c’est pour cela qu’il combattit les privilèges excessifs de la féodalité, qu’il défendit les duels et les luttes privées de seigneur à seigneur. Les prélats et les prieurs avaient les leurs et ce qu’il y a d’étrange, c’est que les baillis étaient dans l’obligation d’y paraître. Ils s’en dispensèrent dès que saint Louis s’y déclara contraire. De son côté, Innocent III, au commencement du XIIIe siècle, frappa d’excommunication ceux qui en appelaient au jugement de Dieu, mais les nobles ne voulurent que difficilement en tenir compte, prétendant que c’était un « privilège de naissance ; » il en fut de même des clercs qui, cependant, se considéraient comme faisant partie du clergé. L’institution de la trêve de Dieu, œuvre des évêques, ainsi que la « quarantaine du roi, »