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Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 109.djvu/913

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gagnées à la cause du roi, comme l’étaient aussi les envoyés du pontife. Elle s’y refusa. Brantôme fait à ce sujet une amusante remarque : « Cette princesse se montra très sage et n’en fit la réponse de Richarde, femme de Charles le Gros, lorsque son mari la répudia, affirmant par serment et jurement ne l’avoir ni connue ni touchée. — Or cela va bien ! dit-elle, puisque, par le serment de mon mari, je demeure vierge et pucelle. »

Le 17 décembre 1498, dans l’église de Saint-Denis d’Amboise, la sentence du divorce fut prononcée, et, peu de temps après, Louis XII épousait Anne de Bretagne.

La bulle avait été libellée à Rome. César Borgia s’en empara, offrant à son père de la porter lui-même au roi de France, avec l’espérance que cette attention lui vaudrait plus d’une faveur. César s’embarqua à Ostie sur de royales galères envoyées de Marseille pour l’embarquer. En arrivant à Paris, son premier soin fut de remettre au premier ministre, l’évêque d’Amboise, un chapeau de cardinal. Puis, en échange de la bulle, il reçut l’investiture du duché de Valentinois, le brevet d’une pension de 20,000 livres et une somme semblable pour l’équipement d’une compagnie de 100 hommes d’armes. Ce n’était pas assez. Frédéric, roi de Naples, avait rejeté avec indignation la demande qu’Alexandre VI avait faite pour son fils de la main de sa fille, la princesse de Tarente. Qu’imagine Louis XII pour guérir la blessure faite à l’amour paternel du souverain pontife ? Il offrit à César sa propre cousine, la belle Charlotte d’Albret, qui venait d’atteindre sa dix-neuvième année. Cette union faisait d’un personnage étranger, — et quel personnage ! — presque un prince français. On s’empressa de la conclure, car le futur époux paraissait fort épris, et le mariage fut célébré avec une pompe inouïe, à Chinon, le 12 mai 1499.

Messire de La Mark, maréchal de France, qui a raconté l’entrée triomphale de Borgia à Chinon, a terminé son récit par une anecdote dont les expressions choqueraient notre bon goût, mais qui, dans ce temps-là, étaient monnaie courante. La voici, aussi décemment résumée que possible.

La veille du mariage, le duc de Valentinois demanda quelques conseils et surtout quelques drogues de circonstance au pharmacien de la cour ; mais le pharmacien se trompa de bocal, et remit au duc, au lieu de ce qu’il désirait, une composition qui l’indisposa toute la nuit : « Comme les dames en firent au matin le rapport, je n’en dirai rien, raconte le malin chroniqueur. Je ne dirai rien non plus des vertus et des vices du duc, car on en a assez parlé. » Valentinois prit la chose gaîment et ne vit dans cette mésaventure qu’un accident passager, car, par courrier spécial, il envoya à son père une longue dépêche dans laquelle il raconta très