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défendent. Le pape, en un mot, ne saurait être partisan. Je ne vois pas, à son ordre, les cardinaux, les évêques, les chanoines, les grands ordres monastiques s’engageant dans l’armée qui monte bruyamment à l’assaut du capital. Il n’est qu’un rôle, pour les ministres du Christ, en ces déplorables conflits ; c’est celui de médiateur, de pacificateur ; et si leur voix, comme il est à craindre, n’est pas écoutée, c’est celui du vaillant archevêque tombant sur la barricade en s’efforçant d’arrêter les combattans ; celui que, à défaut de maire ou de sous-préfet, un humble curé de province, osait reprendre, il y a quelques mois, à Fourmies, devant les fusils Lebel. La voix de l’Église ne peut prêcher que la paix : « Je vous laisse ma paix, je vous donne ma paix, » a dit Jésus à ses disciples, en manière de testament ; et le mot qui demeurera le dernier sur les lèvres de ses prêtres sera le pax vobiscum.

Le clergé catholique, avec ses moines et ses frères, ses congrégations d’hommes et de femmes, ses missionnaires, ses confréries, est bien une internationale ; mais c’est l’internationale de la paix et de l’amour ; il lui est défendu de faire cause commune avec l’internationale de la haine qui se vante, dans ses congrès, d’organiser partout la guerre des classes. Cette guerre des classes, l’une prétend la déchaîner sur le monde et travaille à l’étendre à tous les pays ; l’autre veut la prévenir, et si elle n’en peut arrêter l’explosion, elle s’efforce d’en rétrécir le champ et d’en adoucir les maux. L’une y pousse de toutes ses forces, y voyant un moyen de conquête ; l’autre la repousse de tout son pouvoir, n’y voyant que péché et malédiction. L’une provoque le conflit, l’autre cherche à l’apaiser. Telle est la vérité, et telle est la différence de point de vue et d’attitude qui, en dépit de tous les sophismes et de toutes les habiletés, empêchera toujours l’Église de se faire l’instrument du socialisme révolutionnaire. Leur activité s’exerce en sens inverse. Tandis que le socialisme travaille à couper l’humanité en deux camps, se réjouissant de tout ce qui sépare les hommes nés pour être frères, l’Église s’obstine à réveiller chez tous, riches et pauvres, la notion chrétienne de la fraternité ; l’Église s’ingénie loyalement à concilier les intérêts et à rapprocher les classes. Au milieu des défis et des cris de guerre qui retentissent, de tous côtés, par-dessus les mers et les montagnes, sa devise reste le Beati pacifici des Évangiles.


IV

On le voit bien, partout où peut s’exercer son action sociale, là surtout où ses lois et ses ministres ont gardé le plus d’empire. N’allons pas donner trop d’importance aux témérités de langage,