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Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 110.djvu/251

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une fois privées de cet appui, elles ne pouvaient rester au-delà des Alpes et se verraient forcées de quitter la place sans délai. Mieux valait encore recevoir Parme et Plaisance en retour, que de s’en aller les mains vides. Aussi fut-il bientôt visible que la colère, d’abord si vive, s’atténuait insensiblement. On ne parla bientôt plus que d’obtenir la promesse que les humilians contrats de l’asiento et du vaisseau de permission, dont la durée avait toujours été limitée, ne seraient renouvelés que pour le nombre d’années qui restaient à courir à la déclaration de guerre : enfin, dans les termes les plus maussades, l’accession fut accordée. — « Mon honneur, dit Ferdinand à Vauréal, a été attaqué par la signature faite à mon insu, il le serait plus encore si on me soupçonnait de vouloir continuer la guerre pour mon intérêt. C’est la seule raison qui m’engage à ordonner à mon ministre de signer. » « Et la reine, fort allumée (dit l’évêque), a ajouté que sans cette raison il n’aurait jamais consenti à une chose qui est aussi contraire à son intérêt qu’à sa gloire[1]. »

L’Autriche restait donc seule : mais à elle non plus, la solitude ne laissait pas plus de ressources que d’espérance. Elle ne pouvait continuer sans alliés une lutte que, même avec de puissans concours, elle avait très faiblement soutenue. Batthiany, sans Cumberland, pouvait-il même essayer de regarder Maurice en face ? Exilé de la Hollande, où se serait-il replié, ne pouvant plus poser le pied dans les Pays-Bas ? Les Russes, ce suprême espoir, n’étaient encore qu’à moitié de leur route si péniblement parcourue : pour les empêcher de faire un pas de plus, il suffisait que les deux puissances maritimes, qui s’étaient chargées des frais de leur transport, les avertissent qu’on allait leur couper les vivres. En Italie, la partie était peut-être tenable pour les troupes impériales, tant qu’elles n’auraient en face d’elles que les Piémontais ; mais qui pouvait répondre que Charles-Emmanuel n’allait pas faire preuve une fois de plus de cette facilité à passer d’une alliance à l’autre qui était la vieille habitude de sa dynastie ? Pour se retourner vers la France et l’appeler à son aide, il n’avait qu’à tirer de ses cartons le traité préparé naguère par d’Argenson, et le consacrer par une de ces alliances de famille qui avaient si souvent uni les maisons de Savoie et de Bourbon. Si le dauphin était marié, le prince de Piémont ne l’était pas, et Louis XV avait plus d’une fille dont la main serait facilement obtenue. De ce côté, comme de tout autre, le regard ne rencontrait que des ennemis et l’horizon était fermé à l’espérance.

  1. Vauréal à Puisieulx, 3 juillet 1748. (Correspondance d’Espagne. — Ministère des affaires étrangères.)