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Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 110.djvu/268

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soutenue ensemble contre la France : toute mesure était bienvenue qui les préserverait d’un nouvel assaut de l’adversaire commun. Tout se passait en famille, chacun ayant même intérêt et même crainte. Mais dans les termes où de part et d’autre aujourd’hui on se préparait à rester, un pareil accord n’était plus possible et l’apparence même en semblait dérisoire. Aux yeux de l’impératrice irritée, la Hollande n’était qu’un satellite de l’Angleterre, complice de ses trahisons ; au moment où elle recherchait l’amitié de la France, admettre dans ses murailles les soldats du gendre du roi George, c’était se donner à elle-même des gardiens dont la surveillance allait être très incommode, et il y avait même telle hypothèse déjà prévue où ce serait loger l’ennemi dans la place. Mais par cette même raison, la république, soupçonnant vaguement ces mauvais desseins, n’en était que plus pressée de se garantir contre les chances d’un mauvais voisinage. Le stathouder fit donc défense à son envoyé de rien céder sur ce point capital, et Kaunitz maintenant son exigence, la négociation se trouva absolument en arrêt devant un obstacle en apparence infranchissable[1].

Que faire, en effet, du moment où l’Autriche ne voulait pas prendre livraison des Pays-Bas sous la condition que d’autre part on persistait à lui imposer ? A qui pouvait-on en faire remise ? A quel titre demander à la France de commencer l’évacuation qu’elle avait promise et de se dessaisir de ce précieux gage sans lui faire savoir dans quelles mains elle le laisserait ? Et cependant l’échange réciproque des restitutions étant la base même sur laquelle reposait tout l’échafaudage des préliminaires, tant qu’un soldat français restait en Flandre, l’Angleterre ne voulait pas lâcher prise en Amérique. On espéra bien, un instant, obtenir que la France remît sa conquête en dépôt entre les mains de la Hollande ; mais la France n’avait pas eu assez à se louer de la république pour lui donner une telle marque de confiance. Personne ne voulant ainsi taire le premier pas, tout se trouvait paralysé.

Ce n’était pas tout, ni le seul inconvénient de ce retard indéfini. Tant que l’acte formel n’était pas conclu, la paix n’existait encore qu’en expectative et en espérance : l’humanité commandait bien de suspendre les opérations militaires, mais la prudence ne conseillait pas moins impérieusement de ne pas se dessaisir des moyens de les reprendre, si l’accord préparé venait à ne pas se réaliser. Un armistice, le mot l’indique, n’a jamais permis de désarmer. Chacun garde ses positions et reste en éveil pour se préparer à

  1. Coxe. Pelham administration, t. Ier, p. 450. — Saint-Séverin à Puisieulx, 24 juillet 1848. (Correspondance de Bréda et d’Aix-la-Chapelle. — Ministère des affaires étrangères.) — Beer, p. 54.