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même de littérature byzantine. Mais il ne faut pas oublier que le terme byzantin, tout commode qu’il soit, est de fabrication moderne. Le monde auquel on l’applique n’en aurait point compris la portée. Il est bon aussi, croyons-nous, de tenir compte d’un autre fait : c’est que les désignations historiques, qui ont leur raison d’être lorsqu’il s’agit de l’Occident, perdent souvent leur signification dès qu’on passe en Orient. Ainsi, on ne pourrait pas y adapter le terme de moyen âge avec tout ce que ce nom implique. A proprement parler, il n’y a pas eu de moyen âge grec. Le flot des invasions barbares a contourné l’empire grec, sans l’entamer, pendant qu’il bouleversait l’Occident. En Orient, il y a eu déchéance artistique et littéraire, il y a eu affaiblissement dans la puissance créatrice. Mais il n’y a pas eu interruption radicale dans la marche de la civilisation. Les traditions antiques n’y ont jamais été entièrement oubliées. La perte de l’indépendance nationale, l’absorption dans le monde romain, l’adoption d’une religion nouvelle, ont, sans doute, opéré un changement immense dans les conditions et dans les tendances de l’hellénisme ; sous l’influence du contact avec des élémens étrangers ou nouveaux, celui-ci perdit sa première originalité, il ne retrouva plus son ancien essor ; mais il n’en conserva pas moins son caractère et son individualité. Ces nouveaux Romains de l’Orient furent et restèrent toujours Grecs.

Mais, avant tout, ils furent chrétiens. L’influence de la religion nouvelle prédomine et se manifeste dans toutes les phases de leur histoire, et non moins qu’ailleurs dans leur histoire littéraire. L’établissement du christianisme marque le commencement de cette troisième période de la littérature grecque, qui succède aux périodes classique et alexandrine. Au lieu de donner à cette troisième période le nom de byzantine, ne pourrait-on pas, tout simplement, la qualifier de chrétienne ?

Là, encore, il y aurait une date à fixer. Faudrait-il remonter jusqu’aux premiers temps de la prédication ? On ne saurait contester l’influence exercée par les livres sacrés, mais avant qu’elle s’établît, il s’est passé quelques siècles. Les Grecs placent au ive siècle le commencement de cette ère nouvelle de leur littérature. De même que Constantin le Grand est, pour eux, le premier de leurs empereurs, de même les pères de l’église sont les initiateurs d’une nouvelle période littéraire. Saint Jean Chrysostome, saint Basile et saint Grégoire de Nazianze ont, de tout temps, été considérés comme les premiers parmi les écrivains de la Grèce chrétienne. Dans tous les pays grecs, ils sont devenus comme les patrons des lettres. Aujourd’hui encore, le 30 janvier de chaque année, leur