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avec la même rage qui les poussera bientôt à la destruction des emblèmes monarchiques. D’autres clubistes se plaisent à profaner les églises et y donnent rendez-vous à des femmes de mauvaise vie[1]. Scandales et sacrilèges ne rassasient pas encore la fureur croissante de leur impiété. Ils viennent « à la porte des temples, armés de nerfs de bœufs, de bâtons et de sabres ; ils tombent ensuite à coups redoublés sur les fidèles et n’épargnent point les membres du clergé[2]. » Leurs femmes les imitent : « A Toulon, des mégères se portaient aux abords des églises, accablant d’injures les dames pieuses qui s’y rendaient et allant même quelquefois jusqu’à les fouetter publiquement[3]. » Le club confond désormais dans une égale exécration l’aristocrate et le prêtre, l’ancien régime et l’Église. Le simple croyant lui est suspect au même titre que le ci devant gentilhomme : fidélité à Dieu ou fidélité au roi inquiètent, irritent pareillement l’intolérance de sa foi révolutionnaire et lui semblent dignes de pareils châtimens. Ainsi se forme, se précise peu à peu dans son esprit, la doctrine meurtrière de l’extermination en masse de tous les dissidens, déclarés ou secrets, de la Révolution. Vienne la Terreur, — la Terreur officielle, légale, si l’on peut dire, — le club est prêt à adopter, à pratiquer toutes les mesures, que le système recommande : car lui-même, du jour qu’il a commencé d’exister, a commencé aussi de terroriser.

Poussons plus avant l’analyse. Après avoir dit ce que le club déteste, cherchons à montrer ce qu’il aime. L’étude de ses sympathies n’est pas moins instructive que celle de ses haines.

Il aime l’indiscipline, il applaudit avec transport à tout acte de rébellion. Des troubles ayant éclaté à Aix, en décembre 1790, les officiers du régiment de Lyonnais voulurent faire marcher la troupe pour rétablir l’ordre. « Les grenadiers s’y sont opposés, — écrit la Société des amis de la constitution d’Aix à celle de Toulon, — et le brave Ferréol, lieutenant de grenadiers, s’est comporté avec le plus grand patriotisme : il mérite d’être élevé au plus haut grade ; il a empêché tout le régiment de marcher[4]. » Un si beau trait excite l’enthousiasme du club de

  1. Archives de Toulon. — Jugemens, imprimés sur affiches, du tribunal populaire en 1793.
  2. Lauvergne, p. 136.
  3. Henry, I, p. 357. — De nombreux faits analogues sont cités par Taine. (Révolution, I, p. 240 et 241.)
  4. Archives de Toulon. — Dossier intitulé : le club patriotique de Toulon ; lettre de la Société des amis de la constitution d’Aix à celle de Toulon, du 15 décembre 1790.