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membres de la commune, qui, ne sachant que faire de ces nouveaux administrés, les adressèrent immédiatement au Jardin des Plantes, avec ordre à l’intendant de les y loger. Telle est l’origine de la Ménagerie, aujourd’hui si populaire.

Les autres séries furent constituées de la façon suivante. Au XVIIIe siècle, les princes et les grands seigneurs avaient l’habitude, en France, comme dans le reste de l’Europe, de s’occuper d’histoire naturelle et d’en collectionner les séries les plus diverses. Aussi, lorsque durant la Révolution, on décréta la confiscation des propriétés des émigrés, on trouva parmi les biens mobiliers pris chez un grand nombre d’entre eux des collections variées en ce genre ; on les attribua à l’État et elles furent successivement versées, en vertu de décrets et d’arrêtés, dans des dépôts publics, mais surtout, on le comprend, au Jardin des Plantes.

En même temps, nos conquêtes, à travers l’Europe, nous mettaient en possession de musées nombreux que nos généraux faisaient transporter à Paris, dans les établissemens nationaux. Ainsi deux collections importantes, celle du stathouder de Hollande, dont Pichegru s’était emparé en 1795, et celle du prince de Condé, conservée à Chantilly et dont la confiscation avait été prononcée par la Convention, vinrent, pour une large part, constituer les sections de physique et de minéralogie du Muséum.

La seconde de ces collections, celle des princes de Condé, ne quitta pas Chantilly, pour être installée à Paris, au Jardin des Plantes, sans être en butte à bien des vicissitudes dont quelques-unes nous ont paru assez intéressantes pour être contées ici.


I.

Le duc de Bourbon, premier ministre de Louis XV, après la mort du régent, avait fait, dans les opérations de Law, une fortune colossale. Disgracié et exilé dans son château, en 1726, à l’arrivée au pouvoir de son successeur, le cardinal Fleury, il se livra à l’étude de l’histoire naturelle et s’occupa à réunir une collection des plus complètes.

À peine est-il retiré à Chantilly, où il vit dans la plus grande opulence, qu’il recrute des correspondans dans toutes les parties du monde : tantôt il prie le supérieur des Récollets du Canada de lui envoyer les types des oiseaux les plus bizarres de l’Amérique du Nord ; une autre fois, il donne mission à un capitaine de vaisseau de la compagnie des Indes de lui rapporter tout ce que l’on peut acheter de coquillages dans les Indes occidentales. D’autres missionnaires, jésuites, lazaristes ou franciscains et des