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chenilles avec un chalumeau ou en piquant des araignées sur un bouchon.

Le meuble de Wallerius eut, au contraire, tous les honneurs que l’on refusa à Olivier Marat et fut placé au centre de la galerie du Muséum. Mais les armoiries de la famille de Condé qui le décoraient avaient offusqué les patriotes, et Bernardin de Saint-Pierre, tout en faisant valoir dans son rapport combien la collection contenue dans ce meuble était importante, tant au point de vue scientifique qu’au point de vue historique, et tout en insistant pour le conserver avec les minéraux qu’il contenait sans en changer le classement, avait proposé de retirer ces armoiries et d’y substituer le médaillon de Wallerius ou une inscription à sa louange[1]. Nous ne savons si cette substitution eut lieu ou si dans le sanctuaire de la science le meuble minéralogique de Chantilly demeura tel que le roi de Suède l’avait fait taire : cette dernière hypothèse nous paraît la plus vraisemblable. On se contenta, sans doute, de retirer l’inscription qui rappelait qu’il avait été donné au prince de Condé par le roi de Suède, inscription qui était au moins inutile dans le cabinet national d’histoire naturelle.

La possession de ce meuble de valeur, si apprécié des connaisseurs alors employés au Muséum, avait mis les conservateurs de cet établissement en goût d’obtenir d’autres objets d’art de la même provenance. Les professeurs qui avaient été envoyés à Chantilly pour y examiner le cabinet d’histoire naturelle ne s’étaient pas lassés, durant leur séjour, d’admirer certaines statues qui ornaient la demeure de Condé, en particulier, celles d’une Ariane, d’une Hébé et de deux Vénus, dont l’une, dans leurs notes, est qualifiée d’impudique. Le 3 brumaire an IV, ils demandèrent au ministre de l’intérieur que ces objets d’art leur fussent concédés pour servir à l’ornementation du musée ou de ses jardins, prétextant qu’à Chantilly elles avaient la même destination[2]. Comme ils ne recevaient pas de réponse, ils réitérèrent leur demande. Mais les ministres ne crurent pas devoir y acquiescer. D’autres vieillards vénérables profitèrent des œuvres d’art, objets d’une si vive convoitise ; car les statues furent attribuées au conseil des anciens et placées au Luxembourg, où, successivement, les sénateurs et les pairs de France en eurent la jouissance jusqu’en 1820, époque où elles rentrèrent à Chantilly.

Quant aux différens objets du cabinet d’histoire naturelle des

  1. Catalogue des livres de la Bibliothèque du château de Chantilly, dressé par Bernardin de Saint-Pierre. (Archives nationales F17-1131.)
  2. Archives nationales F17-1192 4.