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Ces beaux marbres, trouvés ailleurs, avaient été acquis par le cardinal, en 1622, de la famille des Cesi ; mais le sol même des Jardins de Salluste a rendu le Vase Borghèse, le Faune à l’Enfant, etc. ; et l’ancienne collection s’est augmentée d’un insigne morceau trouvé aux mêmes lieux : un trône de quelque divinité, avec des bas-reliefs archaïques relatifs à des mythes encore inexpliqués.

Le Quirinal avait en outre, au XVIe siècle, entre autres villas, celle des Carpi, ornée d’un nombre infini de statues, de colonnes, d’obélisques, d’autels antiques… Nous pouvons nous faire quelque idée de ces splendides collections par les dessins que des artistes ou des curieux du temps de la Renaissance nous ont légués, et que les archéologues de notre temps recueillent avec soin, comme de précieux témoignages qui les aident à réformer nos musées[1].

Les travaux accomplis pour régulariser le cours du Tibre et garnir de quais ses rives dans toute l’étendue de la ville auront coûté à l’Italie plus de 100 millions. C’est une œuvre considérable ; nous l’avons vu commencer il y a quinze ans, et elle va s’achever.

Les amis du pittoresque, ceux qui ont connu et aimé les plages infectes et splendides d’autrefois, ont le droit d’en médire. Deux des ponts nouveaux sont d’une laideur assez haïssable ; on peut espérer du moins qu’ils sont provisoires, tandis que le pont Garibaldi, tout battant neuf, restera. La physionomie de Rome en est complètement détruite et remplacée par celle d’une ville moderne quelconque. Mais au point de vue archéologique, l’occasion de ces grands travaux a été unique et singulièrement féconde. Si le fond du fleuve ne s’est pas trouvé, comme le disaient les légendes du moyen âge, pavé de lames d’or, si l’on n’y a pas rencontré le chandelier aux sept branches et les dépouilles rapportées de Jérusalem, les recherches qu’on a dû faire dans le lit et sur les berges n’en ont pas moins amené des découvertes d’une grande importance. Les dragues ont recueilli une infinité de petits objets, pierres gravées, médailles et monnaies, poids et balances, instrumens et outils de toute sorte. Au nombre de ces outils, on a remarqué des compas, des ciseaux, des pointes et des poinçons pour le travail des métaux au repoussé ; tout cela en un bronze d’un alliage extraordinairement dur : observation importante, qui apporte

  1. Voir notre étude intitulée : l’Album de Pierre-Jacques de Reims, d’après les dessins originaux possédés par M. H. Destailleur (Mélanges d’archéologie et d’histoire publiés par l’École française de Rome, t. X, 1890). Jacques a visité Rome de 1572 à 1577, alors que les villas des riches familles romaines, au milieu de l’enthousiasme de la renaissance, recueillaient avec avidité les marbres antiques rendus à la lumière par des fouilles singulièrement heureuses. Jacques a dessiné au crayon ou à la plume ce qui lui paraissait le plus digne de son attention, et il a eu la bonne pensée d’indiquer au bas de beaucoup de ses dessins dans quelles collections il les avait exécutés.