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Médicis ; elle y témoignait de « l’indicible contentement qu’elle avait reçu de la bonne volonté des trois ordres. » Il ne pouvait en être autrement, les députés ayant accordé tout ce qu’elle leur avait demandé.

Ce n’était point une telle missive qui pouvait satisfaire l’un des princes les plus remuans de l’époque, Condé, Henri de Bourbon, deuxième du nom. Aussi, dès le mois d’octobre 1615, il était déjà en Picardie à la tête d’une armée qu’il entraîna en Berry, où ses soldats se conduisirent comme des soudards en pays conquis. Le traité de Loudun mit fin à de tels désordres.

En 1616, Condé fut nommé gouverneur et lieutenant-général du Berry ; il dut en grande partie ce titre à son acquisition, au prix de 435,000 livres, du magnifique fief de Déols-Chauvigny, dévolu par héritage aux grandes familles de Latour, Landry et d’Aumont. Entraîné dans le parti des mécontens par le maréchal de Bouillon, le prince vint pendant quelques mois dans son duché, cherchant par quels moyens il se vengerait de Marie de Médicis, la reine mère, et du maréchal d’Ancre, son favori. Revenu à Paris et conspirant toujours, il fut arrêté à la sortie d’un conseil aux Tuileries et enfermé à Vincennes. Bourges, qui s’était déclarée en faveur de la régente, ouvrit ses portes au maréchal de Montigny, que Louis XIII y avait envoyé avec le titre de gouverneur. En même temps, le roi érigea en duché-pairie le marquisat de Châteauroux, les baronnies de La Châtre et de Saint-Charlier, et la seigneurie de Déols, Déols bien déchue de sa splendeur des siècles précédons. Il en fut de même de plusieurs autres fiefs, le tout sous le titre de duché de Châteauroux.

La mort du maréchal d’Ancre, assassiné dans la cour du Louvre, rendit la liberté au prince. Sa politique changea : dans la secrète espérance de régner un jour sur la France, Louis XIII n’ayant pas d’enfant, il devint un catholique fervent et un modèle de fidélité à la couronne. Sans cesse désireux d’accroître sa puissance dans le centre de la France, il acheta de Sully la ville de Montrond, puis Orval, Culant, Le Châtelet, La Roche-Guillebault et La Prugne-au-Pot. Il fallait payer comptant toutes ces terres ; mais comme ce Condé était d’une grande avarice, il suscita au roi l’idée fort malhonnête de confisquer tous les biens de Sully à son profit, au profit de lui, Condé, bien entendu. Le souverain s’y refusa. Il acheta encore la terre de Sancerre, vendue forcément par le comte Jean de Beuil, et dont il ne prit possession qu’en 1641. Avec cette immense fortune, le prince, ainsi que je l’ai dit, était d’une lésinerie extrême. Aimant fort la jeunesse, il fréquentait les étudians qu’il trichait au jeu, et par lesquels il se laissait payer à souper. Ses ennemis prétendaient qu’il avait l’âme d’un intendant de bonne