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Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 110.djvu/794

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nous. » Il compare chaque rayon à un bâton dont on ne peut mouvoir un bout sans que l’autre soit mû en même temps. C’était là une application fausse d’une théorie qui peut être vraie en son principe. Selon nous, le plein universel ne s’oppose pas aux ondulations du mouvement, et ce sont celles-ci qui l’empêchent de se transmettre en un seul instant sous la même forme, par exemple sous la forme lumineuse. L’onde éthérée qui produit la lumière peut décrire sur soi des cercles innombrables, elle peut, en tournant ainsi, aller en avant, revenir en arrière, aller de nouveau en avant. Cette danse réglée peut exiger et exige un certain temps pour faire arriver les ondes lumineuses depuis le soleil jusqu’à la terre. Dès lors que la transmission de la lumière n’est pas rectiligne, mais ondulatoire, c’est-à-dire « par tourbillons, » on n’a plus le droit de conclure l’instantanéité de la transmission entre le soleil et la terre. Il y a donc eu, chez Descartes, erreur d’application, non de principe. Ce qui rend si difficile ce problème, c’est que la nature de la durée y est impliquée ; mais le temps exigé par la lumière pour venir jusqu’à nos yeux ne prouve pas l’existence du vide, comme le croient beaucoup de savans à notre époque.

On a objecté, en second lieu, au mécanisme cartésien l’élasticité de la matière. C’est l’objection capitale de Leibniz, reprise de nos jours par MM. Renouvier et Ravaisson, par Lange et beaucoup d’autres. On a voulu voir dans l’élasticité la preuve d’une force inhérente à la matière ; mais, au point de vue cartésien, l’élasticité ne peut pas plus être une qualité primordiale que la pesanteur. L’idée d’atome dur et indivisible serait sans doute incompatible avec celle d’élasticité ; car celle-ci suppose une molécule composée dont les différentes parties, sous le choc d’un corps extérieur, se déplacent en se comprimant, puis reprennent leur position en rendant l’impulsion qu’elles ont reçue. Mais Descartes n’admet pas d’atome : toute particule de matière est pour lui composée ; il n’y a donc aucune molécule qui ne puisse avoir de l’espace pour se comprimer et rebondir. Seulement, ici encore, il faut que le mouvement qui cause l’élasticité soit un tourbillon. Or, les belles recherches de Poinsot sur les corps tournans expliquent comment des particules éthérées, sans être (comme le croyait Huyghens) élastiques « par nature, » peuvent cependant rebondir les unes sur les autres et produire les effets apparens de l’élasticité : un corps non élastique peut, s’il tourne, être renvoyé par un obstacle, tout comme un corps doué d’élasticité ; il a même souvent, après le choc, une vitesse beaucoup plus grande qu’auparavant, car une partie du mouvement de rotation s’est changée en mouvement de