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suffisaient aux besoins, mais les dépassaient, ont donc, sinon tari tout à fait, du moins vu baisser de beaucoup leur rendement vers 1400, et le déficit alla s’aggravant sans cesse, puisqu’en France, lors même que l’agriculture et le commerce eurent repris confiance, que l’état matériel alla s’améliorant, depuis la fin de Charles VII jusqu’au commencement de Louis XII, le prix de la vie resta immuable dans son bon marché, et ne haussa que d’un sixième de 1500 à 1525.

Il est du reste fort possible que la prospérité de la nation ait précisément maintenu ce bas prix de la vie, de 1460 à 1500, comme la misère y avait contribué de 1390 à 1460. La misère, aussi bien que la prospérité, tendaient à déranger le rapport ancien du métal aux marchandises : la première en diminuant la quantité de métal en circulation, la seconde, en augmentant a quantité des marchandises produites. La première pesait sur l’offre d’argent, la seconde multipliait la demande d’argent, et toutes deux ont dû jouer successivement un rôle dans cette élévation du pouvoir monétaire que nous venons de voir.


V

La période moderne (1600 à 1800) offre des exemples de mouvemens presque aussi variés, et peut-être moins connus encore, du pouvoir de l’argent, que les quatre siècles précédens.

Les XVIIe et XVIIIe siècles ont, sur leurs devanciers, cet avantage que la statistique de la production des métaux précieux du nouveau et de l’ancien monde, ayant été faite au moins approximativement, nous fournit des données plus sûres dans l’explication des phénomènes, pour lesquels nous étions réduits, entre 1200 et 1500, à de simples conjectures. Cependant, ces phénomènes eux-mêmes, c’est-à-dire les variations du prix de la vie, n’ont jamais, que je sache, été décrits ; et j’avoue que, partageant les préjugés du public à cet égard, je n’ai pu me défendre de quelque étonnement, lorsque les chiffres m’ont appris que l’argent avait eu un beaucoup plus grand pouvoir dans la première moitié du XVIIIe siècle, que dans la seconde moitié du XVIIe. Le fait pourtant n’est pas niable.

Le mouvement de baisse de la puissance d’achat de l’argent, au XVIe siècle, avait été excessif pour deux raisons : la première, c’est que le stock de métaux précieux existant en 1520, antérieurement à la nouvelle invasion métallique, était très faible ; la seconde, c’est que ce siècle avait été médiocrement prospère. L’agriculture et