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l’industrie n’avaient pu prendre un libre essor avec les guerres étrangères, avec les luttes civiles et religieuses surtout, qui décentralisèrent la ruine et retendirent dans les campagnes en tache d’huile, pendant la période de 1560 à 1600, celle où précisément l’argent affluait. Avec Henri IV, la tranquillité revenait ; avec la tranquillité, la production des marchandises augmentait, et tenait tête à la production d’argent.

Même elle la dépassait ; le prix de la vie baissa de 1600 à 1620. Il y eut aux premières années du XVIIe siècle, dans la consommation publique, un brusque saut de ressort débandé. On a vu un léger spécimen de cette force lâchée subitement, après une compression causée par des circonstances passagères, dans la fièvre industrielle des deux ou trois ans qui suivirent la guerre franco-allemande de 1870-1871. En 1600, ce fut une fièvre agricole qui s’empara de nos pères, et l’on se remit, avec une sorte de rage, à gratter et à solliciter cette terre, partiellement défigurée de main d’homme, et dont le rendement était depuis longtemps précaire. La terre cessa d’augmenter, ses produits baissèrent, les salaires aussi furent réduits ; mais ils ne le furent que de 6 pour 100, tandis que l’hectolitre de blé diminuait de 40 pour 100, le kilo de viande de 25 pour 100, le mètre de drap de 30 pour 100, et ainsi pour beaucoup d’autres objets. Sans rappeler en rien ce qu’elle avait été sous Charles VIII, la condition du prolétaire fut donc beaucoup meilleure dans le premier quart du XVIIe siècle que dans le dernier quart du XVIe.

Comparés à ceux de 1591-1600, les prix de 1611-1620 accusent, pour le pouvoir moyen de l’argent, une hausse d’un cinquième. Il n’était plus, sous Henri III, que deux fois et demie plus fort que le nôtre ; il était remonté au triple de son pouvoir actuel pendant la minorité de Louis XIII.

A partir de cette date (1620), la baisse recommence, non plus avec la rapidité vertigineuse du XVIe siècle, mais lente, insensible et cependant constante, pour atteindre son dernier degré de 1670 à 1685, autant qu’il est permis d’assigner des dates précises à de pareils mouvemens de chiffres. Ces quinze années furent sans contredit les plus heureuses du règne de Louis XIV, au point de vue du bien-être de la nation. Les riches voyaient augmenter leur revenu par la hausse du prix de la terre, qui montait de 80 à 90 pour 100, les pauvres ne voyaient augmenter leur salaire que de 10 pour 100 à peine (de 0 fr. 74 à 0 fr. 80 par jour pour la journée du manœuvre), mais le prix des céréales n’était pas plus élevé qu’en 1620. Cette époque fut celle de la production la plus intense des marchandises de toutes sortes, production favorisée par