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sont pas à dédaigner. Nos gouverneurs du Tonkin peuvent l’attester, eux qui, leurs ingénieurs et conducteurs payés, n’ont plus rien de reste. Et cependant ce n’était pas encore là tout le budget de ce chapitre : dans ces 3,500,000 francs n’étaient compris ni les digues (qui en ces pays sont en même temps des routes), ni les chemins de fer. Si pauvre que l’on fût, on n’avait pas voulu tarder davantage pour se donner un outillage supérieur. Dans l’ordre stratégique comme dans l’ordre économique, on assignait à ces travaux un rôle capital ; d’une chaussée en bon état, d’une voie ferrée bien conçue, on attendait autant que d’un bataillon ou même d’un régiment, et on allait jusqu’à rogner le budget de la guerre pour grossir celui des ponts et chaussées.

Tout d’abord, on devait songer aux routes. En Basse-Birmanie on avait eu le tort de trop s’en désintéresser : les uns après les autres, les commissaires en chef avaient commis la même erreur. Vivant à Rangoon, sur la mer, à l’extrémité d’un delta que desservent tant de fleuves et de canaux, ils s’étaient pour la plupart peu inquiétés du reste du pays. On eut plus d’une fois à le déplorer : mais leur expérience ne fut pas perdue pour la Haute-Birmanie. Un pays sillonné de cours d’eau et hérissé de montagnes a naturellement peu de routes : dans les régions plates, il se contente des fleuves et des rivières et, dans les régions montagneuses, ne connaît guère que les sentiers. Or, c’était dans la montagne que s’étaient réfugiés les derniers belligérans. Des postes nombreux y avaient été installés : pour les relier entre eux et avec les centres principaux, il fallait élargir les sentiers et percer des routes nouvelles. C’est à quoi on procéda sans retard et surtout sans interruption. Routes internationales, si l’on peut ainsi les appeler, allant de l’Iraouaddy au Brahmapoutra, de l’Assam à la Birmanie ; routes nationales réunissant les vallées entre elles, de la Chindwin à l’Iraouaddy, du Chittagong à Mandalay ; chemin de district à district, tout fut étudié en même temps. Mais, fort sagement, on para au plus pressé : on relia d’abord les postes et les centres administratifs. Dès le commencement de 1887, on avait 300 milles de bonnes chaussées, quelques-unes pavées de fer, et de nombreux chemins. Depuis lors, d’année en année, ces travaux ont pris une plus grande extension et aujourd’hui il n’est guère de district qui ne soit traversé au moins par une route.

Naturellement, tout en s’occupant des routes, on ne négligeait pas les autres moyens de transport et le plus important de tous : les fleuves et les rivières. La Birmanie, je l’ai déjà dit, est parcourue par de]nombreux cours d’eau : l’Iraouaddy, la Salouen, le Sittang, la Chindwin, la rivière Mu et bien d’autres, qui offrent, à travers des territoires considérables, des communications