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contemporains, une première « sélection » : n’ayant ni les lumières, ni les loisirs nécessaires pour se livrer eux-mêmes à la préparation des lois, ils ont tenté de choisir, souvent même ils ont choisi les plus expérimentés, les plus instruits, les plus intègres, et les ont chargés de cette besogne difficile. Les élus, une fois réunis, ont fait à leur tour une deuxième « sélection » : appliquant à la confection des lois la règle de la division du travail, ils ont distribué la grande tâche, conformément aux aptitudes spéciales des uns et des autres : aux ruraux l’agriculture, aux ingénieurs les travaux publics, aux économistes et aux commerçans les questions commerciales, aux financiers les finances, aux marins les affaires maritimes, mais non pour abdiquer entre les mains des spécialistes, et sans oublier qu’il appartient à leur assemblée tout entière de discerner quels sont, dans le conflit des intérêts et des droits, les besoins généraux du pays. Ces débats préparatoires sont quelquefois nécessaires et souvent utiles : ils peuvent dissiper des erreurs, des préventions, des équivoques, changer l’opinion même du gouvernement et, ce qui nous paraît décisif, celle du peuple. Il y aurait un inconvénient manifeste à les supprimer.

La consultation postérieure au vote des lois ne soulève pas les mêmes objections. Soumise à certaines conditions et pratiquée d’après certaines règles, elle n’offre pas le caractère d’une mesure plébiscitaire et peut même, le cas échéant, devenir un point d’appui pour la représentation nationale. Il y a de bonnes raisons, si nous ne nous trompons, pour l’introduire dans la constitution belge. C’est uniquement de ce second referendum que nous allons désormais parler.


IV

Le lecteur sait déjà qu’on agite, à propos de n’importe quelle consultation populaire, le spectre du césarisme, et doit s’en étonner. C’est bien la personne royale qu’on met par là même en cause. Or il faut une dose d’imagination peu commune pour comparer, même de loin, le roi Léopold soit à cet homme de guerre qui profita de ses victoires et de son ascendant sur les légions pour renverser la constitution romaine, soit au soupçonneux et sanguinaire habitant de Caprée, soit au fou furieux qui mit sa sœur au rang des déesses et son cheval au nombre des consuls, soit au ridicule époux de Messaline, soit à cet histrion qui brûla Rome et livra les chrétiens aux bêtes. Le prince régnant nous avait paru, jusqu’à ce jour, être le représentant accompli de la monarchie