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ces boers dont Fritz Reuter, l’auteur d’Olle Kamellen et d’Ut de Franzosentid, aurait compris le bas-allemand. Cependant, sur les pas de Mauch, M. Button, Anglais du Natal, avait rencontré dans la province transvaalienne de Lydenburg ce qui s’appelle selon le cas, en argot professionnel, « couleur, » « bon prospect, » « visible, » et même « payant. » Il avait étendu son inspection au Zoutpansberg. Vers 1882, le propriétaire d’une ferme nommée Berlin, M. Albrecht, faisait explorer une gorge du futur district minier de Barberton, toujours au Transvaal : ceci amena la découverte d’assez nombreuses pépites dans les graviers et les sables du fond. L’Écossais Mac-Lachlan, à côté, signala presque aussitôt du « payant, » en filons. Deux ans plus tard, un arpenteur au service transvaalien, M. Moodie, Anglais du Cap et figure bien connue à Cape-Town, accepta, en paiement d’honoraires arriérés ou débours, treize fermes de la même région. Il réalisa une grosse fortune en cédant ces propriétés à une compagnie minière. Puis vint la découverte du Sheba Reef. Enfin, en 1886, le gouvernement de Pretoria proclama « champs d’or publics » neuf fermes qui constituent aujourd’hui le district aurifère de Witwatersrand, le plus important de tous.

Les mines du Witwatersrand (rangée de l’Eau Blanche) ou du Band, comme on dit plus court, ont servi à un jeu effréné. Il est bien probable que derrière cette spéculation peu intéressante et trop souvent peu estimable se cachait une pensée supérieure, la grande influence financière de M. Rhodes à Londres, tout un plan politique. L’afrikandérisme, dont M. Rhodes est un des soutiens, s’alarmait des progrès de l’Allemagne au Transvaal. Les chemins de fer de ce pays avaient été concédés à une compagnie ostensiblement néerlandaise, mais soutenue, lancée par des banques allemandes, et le principal actionnaire de cette société n’était autre que la Berliner Handelsgesellschaft. Il s’agissait de disputer aux Allemands le contrôle des champs d’or. À Pretoria, dans les cercles officiels ou officieux, on ne dissimulait pas des sympathies marquées pour l’Allemagne ; on faisait observer que, si les colonies de l’Amérique du Nord avaient pu avec avantage recourir à une alliance française, il n’y avait pas de raison pour se priver au sud-Afrique de l’appui moral d’une puissance étrangère, en face de la Grande-Bretagne. Mais cette tendance était peu goûtée au Cap, et afin de la combattre il fallait faire jouer des ressorts qui ne pouvaient se trouver qu’en Angleterre, lancer la bourse de Londres à l’assaut des positions menacées. Cela dit, une large part reste encore dans ce mouvement aux spontanéités individuelles, aux illusions inséparables de toutes les affaires de mines d’or dans les