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Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 111.djvu/158

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premiers temps qui suivent la période de découverte, à l’agiotage exploitant la crédulité. La grande hausse, le boom, commença vers le mois d’août 1888, et, en moins de six mois, les actions de ces mines acquirent des plus-values égales à 5, 10, 20, 60 fois leur capital nominal. Profitant des facilités de la loi anglaise, on créait à Londres et au Cap d’innombrables sociétés qui émettaient, sous les noms les plus variés, des titres à vingt-cinq francs, véritables billets de loterie. Les quatre grandes banques de Cape-Town, soutenues par de continuels envois de fonds d’Angleterre, avançaient d’énormes sommes sur nantissement de ce papier. Il y avait évidemment là-dessous une force motrice considérable. Cela dura jusqu’au jour où M. Rhodes fonda la compagnie du Sud-Afrique britannique et entreprit d’aller au Zambèze en y attirant à sa suite le flot mouvant des chercheurs de fortune. La fête du Transvaal se termina, comme il convenait, par une famine et par une manifestation politique. La famine, ou plutôt la sécheresse, quelque peu exagérée, permit d’expliquer une baisse profonde par des causes accidentelles. La manifestation faillit rappeler cette fameuse bataille de Ballarat, en Australie, où les mineurs mécontens troublèrent l’ordre d’une si inquiétante manière. Le 4 mars 1890, M. Paul Kruger, président de la république transvaalienne, fut hué à Johannesburg, par la foule qu’il venait haranguer ; on lacéra le pavillon de l’État, hissé sur l’hôtel du gouvernement ; dans la soirée, il y eut des scènes de désordre devant la maison du préfet. Cette population ameutée se composait d’étrangers de toute nation, principalement d’Anglais et de personnes originaires du Cap ou du Natal. M. Kruger, fidèle à ses engagemens avec la compagnie de chemin de fer dite néerlandaise, en réalité allemande, avait empêché jusqu’alors la construction de lignes venant du Cap. On se vengeait comme on pouvait. A Londres, le « Cercle des Cafres » se rompit. On appelait ainsi le groupe qui traitait les affaires de mines sud-africaines dans un coin réservé de l’Exchange. Il faut croire que les promoteurs du boom avaient su prendre leurs précautions pour ne pas trop souffrir de la débâcle. Ce fut au Cap que les témérités se payèrent le plus cher. L’Union Bank ferma ses portes le 30 juillet 1890 ; la Cape of good hope bank entra en liquidation le 20 septembre ; la banque de Paarl, établissement surtout hollandais, suspendit ses paiemens le 8 décembre suivant. Nombre de dépositaires furent gravement atteints dans leurs fortunes : on vit des ruines totales, irrémédiables, de gens qui n’avaient pas joué. La grande Standard bank, avec son siège social à Londres, avait les reins assez solides pour ne pas plier sous la tempête. Détail curieux,