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Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 111.djvu/191

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cette période préparatoire, dont les exercices prennent fin avec la provocation de la voix naturelle.

« Habitué, par la gymnastique buccale et vocale qui a précédé, à reproduire exactement les positions et les mouvemens des organes vocaux, l’élève lit et répète les sons émis par le maître. On réprime toute tendance vicieuse, on fait appel à la vue, au toucher et, quand il est possible, à l’ouïe de l’enfant. C’est l’enseignement des sons qui commence. Dès qu’il lit et dit bien un son, on le fixe en le faisant répéter à plusieurs reprises ; puis on lui montre la forme graphique des sons fixés. Il apprend du même coup à les reconnaître sur les lèvres, à les prononcer, à les écrire et à les lire. Le maître dit a, l’élève répète a et écrit ou montre a sur le tableau noir. On procède de même pour les autres voyelles et pour les consonnes. Celles-ci étant difficiles à bien articuler quand elles sont seules, on se hâte de les accoupler aux voyelles, et l’on fait successivement lire sur les lèvres, dire et écrire pa, po, pu, ta, to, tu, fa, fo, fu, etc. Ce sont les premières syllabes, simples et directes. On fait ensuite prononcer des syllabes inverses, ap, op, oup ; des syllabes répétées, papa, popopo, des syllabes complexes, plu, stro, et enfin des groupes bisyllabiques, etc. On réserve pour les derniers, les sons réputés les plus difficiles, eu, u, l, r, gn, ill, etc., et l’on termine par les voyelles nasales an, on, in, un et les diphtongues ia, io, ni, oui.

« Chemin faisant, tout en apprenant à l’élève à lire les sons et les syllabes sur les lèvres du professeur et de ses condisciples, à les prononcer correctement, à les lire sur le tableau, à les écrire sous la dictée, on lui a fait connaître les principaux équivalens graphiques d’un même son, et on lui a enseigné, en gardant toujours la même gradation, des mots courts, faciles à lire sur les lèvres et à articuler, des expressions simples, correspondant à ses premiers besoins. Il acquiert ainsi, au cours de la première année, de cinquante à cent substantifs, ainsi que les dix premiers noms de nombre. » Il possède alors une première nomenclature, toujours enseignée en rapport avec les objets qu’on lui présente (personnes, animaux, choses) ; et il sait en même temps lire et écrire chacun de ces mots. On le voit, dans cette méthode, la lecture et l’écriture ne jouent que le rôle d’auxiliaires ; comme le dit l’abbé Tarra, « elles ont l’office d’un simple dessin chargé uniquement d’illustrer et de rappeler la parole ; si bien que le sourd, en voyant l’objet, pense directement au mot correspondant, et, réciproquement, en voyant le mot écrit, pense à la fois à son objet et au mouvement des lèvres qui lui a appris à le reconnaître et à le nommer. »