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A la fin de la première année, quand ce résultat, qui semble prodigieux, est déjà atteint, on joint aux exercices d’articulation, qui se continueront pendant tout le cours des études, l’enseignement de la langue.

C’est là, comme le dit justement l’abbé Tarra, « un second problème bien plus vaste, plus complexe et non moins difficile que le premier. Le maître, à lui seul, doit tenir lieu au sourd-muet de la société tout entière qui se charge de donner aux entendans le premier vocabulaire, élément de toute science ; l’école doit suppléer au champ vaste et varié des choses et des faits dans lequel nous avons appris le vocabulaire.

Il est évident que, pour mener à bien cette œuvre immense, ce n’est pas une méthode scientifique et réfléchie que doit adopter le professeur ; il faut qu’il imite la mère donnant à son enfant la première langue de la pensée ; il faut qu’il suive la gradation pratique des choses et des faits, qu’il distribue son enseignement d’après la nature des objets qui s’offrent à l’observation de son élève, d’après les lieux, les circonstances, les actes de sa vie.

Il commencera donc par les différentes parties du corps, par les vêtemens, par les objets d’un usage journalier, par les personnes, les animaux, les choses qui frappent habituellement les yeux de l’enfant. Puis il passera à ce qui, hors de l’école, se présente le plus fréquemment à lui, et pour lui enseigner ce vocabulaire, il lui présentera soit, quand il sera possible, les êtres et les objets eux-mêmes, soit leur imitation en relief : un musée scolaire est donc l’intermédiaire indispensable de ce premier enseignement de la langue. Nous verrons que l’institution de Paris en possède un très complet.

Une fois les objets nommés, il faut habituer l’élève à former des jugemens sur ces objets, puis à exprimer ces jugemens « tantôt sous la forme impérative, qui en donne le sens pratique, actif, tantôt sous la forme interrogative qui en examine les élémens, en fait ressortir et connaître les rapports, tantôt sous la forme positive, qui en donne la connaissance directe. » Voilà le commencement de la grammaire.

Du monde visible, l’enseignement devra s’élever au monde invisible, c’est-à-dire aux choses morales et abstraites, aux phénomènes de la nature, aux faits de l’histoire, à leurs causes et à leurs effets, leurs raisons et leurs conséquences. Suivant le principe du philosophe chrétien, invisibilia per visibilia intellecta conspiciuntur ; le maître se servira des choses et des mots connus pour expliquer les choses et les mots inconnus. L’abbé Tarra le dit excellemment : « L’effet fait remonter à la cause, l’acte fait penser