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Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 111.djvu/203

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Dans un intéressant rapport adressé récemment[1] par M. Javal à M. Chipiez, inspecteur principal du dessin, nous trouvons des réflexions très judicieuses qu’il est utile de reproduire. « Les sourds-muets qui communiquent difficilement avec leurs semblables ont tout spécialement besoin du dessin, comme moyen supplémentaire de communication. Il faut que tous sachent comprendre un dessin et que tous sachent se faire comprendre par le dessin. En outre, dans les ateliers, pour soutenir la concurrence de camarades qui jouissent de tous leurs sens, il est bon qu’ils aient sur eux la supériorité du dessin. Le menuisier devra savoir lire les plans donnés par l’architecte, l’entrepreneur, le dessinateur en meubles. Il devra savoir, d’après ces plans ou dessins, établir son épure en grandeur d’exécution. De même nos jardiniers devront être capables d’établir des dessins et des lavis concernant leur profession (projets de tracés, de nivellement, plantes, etc.). Quant au sculpteur sur bois, il va de soi que, même travaillant en atelier, et surtout s’il travaille isolément, il doit pousser le dessin assez loin, connaître les styles, l’ornement, etc. De même pour le lithographe qui doit être un véritable dessinateur. Enfin quelques élèves très bien doués doivent trouver dans l’enseignement de l’institution une préparation à l’art véritable. »


V

Nous n’avons pas craint d’exposer dans le détail toute cette éducation professionnelle des sourds-muets. En même temps qu’elle assure leur avenir, elle prévient chez eux ce surmenage intellectuel dont on accusait nos lycées et nos collèges, et que les hygiénistes combattent aujourd’hui avec tant d’ardeur et de succès.

Sous ce rapport, l’Institution nationale de Paris a devancé nos établissemens universitaires. Depuis longtemps les exercices de gymnastique, les longues promenades avec un but déterminé et instructif, les bains fréquens, la natation, y sont en grand honneur. Ce n’est pas qu’on favorise chez les sourds-muets le trapèze, l’ascension des mâts, tout ce qui est violent et dangereux ; la difficulté de donner des commandemens limite nécessairement pour eux cette partie de la gymnastique. On les exerce surtout à des mouvemens des bras, des jambes, des pieds, à des conversions, à des marches qui peuvent être exécutées avec ensemble après un

  1. 8 décembre 1890.