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Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 111.djvu/264

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s’informe de ce qu’on y fait : il n’aime pas qu’on y commente le Dialogue de Sylla et d’Eucrate, par Montesquieu, l’Éloge de Marc-Aurèle, par Thomas, les Annales de Tacite : « Que la jeunesse lise plutôt les Commentaires de César… Corneille, Bossuet, voilà les maîtres qu’il lui faut ; ceux-ci entrent, à pleines voiles d’obéissance, dans l’ordre établi de leur temps ; ils le fortifient, ils le décorent, » ils sont les coadjuteurs littéraires de l’autorité publique. Que l’esprit de l’École normale se conforme à celui de ces grands hommes. Dans l’établissement universitaire, elle est l’atelier originel et central qui doit forger, limer et fournir les pièces de choix, tous les bons rouages. Aujourd’hui l’atelier est insuffisant, faiblement outillé, médiocrement dirigé, encore rudimentaire ; mais on l’agrandira, on l’achèvera, on le fera travailler davantage et mieux. Provisoirement, il ne produit que d’après les besoins constatés, pour remplir les vides annuels dans les lycées et dans les collèges. Mais, dès le premier décret, on l’a « destiné à recevoir[1] jusqu’à 300 jeunes gens. » Avec ce chiffre, la production comblera tous les vides, si grands qu’ils puissent être, et les comblera par des produits de qualité supérieure et vérifiée. Ces produits humains que l’État a fabriqués chez lui, ces outils scolaires que l’État estampille à sa marque, naturellement l’État les préfère : il les impose à ses succursales, il les place, d’autorité, dans ses collèges et lycées ; à la fin il n’en accepte plus d’autres ; non-seulement pour l’enseignement, mais encore pour la préparation des maîtres enseignans, il se confère le monopole. En 1815[2], une circulaire annonce que « le nombre des places qui viennent à vaquer, d’une année à l’autre, dans les divers établissemens de l’Université diminue sensiblement, à mesure que l’organisation du corps enseignant s’achève et se régularise, que l’ordre et la discipline s’établissent, que l’éducation se gradue et se proportionne suivant les diverses localités. Le moment est donc venu de le déclarer : l’École normale est désormais la seule route pour arriver à la carrière de l’instruction publique ; elle peut suffire à tous les besoins du service. »


IV

Quel est le but du service ? — Avant la Révolution, quand il était dirigé ou surveillé par l’Église, il avait pour fin suprême le maintien et l’affermissement de la foi dans les jeunes âmes. Successeur des anciens rois, le nouveau monarque inscrit en première

  1. Décret du 17 mars 1808, articles 110 et suivans.
  2. Circulaire du 13 novembre 1813.