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Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 111.djvu/316

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croire le Vinci, la forme n’est encore qu’un moyen, car elle est un signe, un langage, l’expression visible de l’âme qui la crée et s’y manifeste.

« L’âme est l’auteur du corps (§ 109),  » elle a mis entre ses élémens l’unité de l’idée qu’elle portait en elle, elle l’anime, elle le meut. Créée par l’âme pour la vie, la forme n’existe pas par elle-même et pour elle-même, elle est faite pour l’action qui est sa fin. La diversité des actes et des sentimens sans cesse la métamorphose. Par ses mouvemens et ses attitudes, le corps se varie comme la pensée qu’il traduit dans un visible langage. « Le corps est un esprit momentané (Leibniz). » De ce point de vue, nous pouvons dire encore que « la peinture est chose mentale,  » puisque sa fin dernière est de faire apparaître l’esprit. Comme une anatomie, il y a une psychologie pittoresque. Les jeux de physionomie, les gestes, les attitudes, tous les signes expressifs des sentimens doivent être, pour le peintre, l’objet d’une constante étude. Qu’il observe les hommes, quand ils se croient à l’abri de tout regard, qu’il saisisse leur mouvement dans son inconsciente éloquence, qu’il surprenne la pensée sur les visages ; qu’il écoute les gens qui causent ou discutent, qu’il note avec leurs attitudes la nature et l’ardeur de leurs sentimens (§ 58) ; qu’il épie les muets « qui parlent avec les mouvemens des mains, des yeux, des sourcils, et comme de toute la personne, dans leur effort pour exprimer ce qui occupe leur âme (§ 115). » Qu’il fixe toutes ces images en croquis rapides, comme autant de notes prises sur le vif et qu’il retrouvera le moment venu.

La peinture est un langage, elle n’a de sens que si vraiment elle parle. « Il faut que les personnages aient l’attitude propre à leur action, qu’en les voyant on entende ce qu’ils pensent ou disent (g 115)… que les mouvemens répondent à l’acte, que l’acte exprime la passion de l’âme (§ 367). » La forme est abstraite, rationnelle, saisie par fragmens, tant que le sentiment ne lui donne pas l’unité vivante. C’est l’émotion qui, parcourant le corps, tond toutes ses lignes dans l’harmonie de la grande ligne onduleuse et serpentine qui y montre tout à la fois l’agitation et l’unité de l’esprit. « Le bon peintre a à représenter deux choses principales : l’homme et l’état de son âme (il concetto della sua mente) ; la première est facile, la seconde difficile, car il n’a pour cela que les gestes et mouvemens des membres (§ 180). » Que d’observations, que de précision et de justesse, quelle sympathie intelligente et subtile n’exige pas cet art délicat ! « La chose la plus importante qui se puisse trouver dans la théorie de la peinture, ce sont les mouvemens appropriés aux états d’âme de chaque être, comme désir, mépris, colère, pitié (§ 122). » Que d’élémens en rapport dans ce