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février 1890, réunie sur la proposition de sir Henry Parkes, qui en fut en quelque sorte l’âme, de même qu’il en avait été le promoteur, aplanit enfin les difficultés du commencement en apportant dans l’esprit des représentans des diverses provinces la conviction que l’union des colonies australiennes était à la fois nécessaire et opportune.

La carrière du premier ministre de la Nouvelle-Galles du Sud, destiné, peut-être, à présider tôt ou tard au gouvernement général du Commonwealth of Australia, se confond avec l’histoire de l’Australie depuis les premiers jours de l’agitation en faveur de l’établissement du gouvernement parlementaire. Il apparaît sur la scène politique à l’époque où la colonisation, entrant dans une phase nouvelle, cesse d’être une expérience philanthropique pour le bénéfice d’une classe infortunée, pour devenir une entreprise pratique entre les mains d’hommes libres, vigoureux et énergiques qui abandonnaient sans esprit de retour le toit paternel et le home de leurs aïeux pour s’en aller chercher aux antipodes les faveurs que la fortune leur refusait chez eux. Sorti des rangs du peuple, fils de fermier et artisan lui-même, il représente un type remarquable parmi les énergiques pionniers auxquels est due la création de ces jeunes communautés en passe de développer une nationalité nouvelle. Sa puissante personnalité commande l’attention de quiconque étudie l’intéressante histoire de la colonisation de l’Australie depuis l’époque où l’existence d’une opinion publique y devint possible. Décrire en quelques pages rapides les diverses phases par lesquelles les colonies ont passé depuis ce temps, c’est en quelque sorte écrire la biographie de cet homme d’État, car il n’est pas un mouvement ayant pour but le développement politique, matériel ou moral de ces jeunes contrées auquel il n’ait pris une part active. Il avait peut-être raison, lorsqu’un jour, en plein, parlement, dans un éclat de colère dédaigneuse, répondant aux violentes attaques de l’opposition, il terminait une brillante péroraison par cette phrase à la fois orgueilleuse et mordante : « Sans moi, messieurs, le livre des statuts qui nous gouvernent n’aurait que des pages blanches. »

Nous sommes peut-être un peu trop accoutumés à considérer l’Europe et les grands pays de l’Amérique avec lesquels il y a un contact constant, comme la seule scène où puissent se développer à leur aise les grandes passions et les aspirations de l’humanité. Sans doute, aux antipodes la scène est moins vaste, le public moins nombreux. Mais les aspirations n’y sont pas plus modestes, ni les passions moins fougueuses, et la tâche de créer une nationalité nouvelle, d’unir sous la même bannière un